Travail

Quitter un CDI : ce que la loi impose avant d’envoyer votre lettre

Jordan Alvarez
Editeur
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Vous souhaitez démissionner ? Voici les règles à connaître en CDI

La démission d’un contrat à durée indéterminée (CDI) constitue un acte juridique unilatéral par lequel le salarié manifeste sa volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail. Ce mode de rupture, prévu par les articles L1237-1 et suivants du Code du travail, suppose une décision parfaitement réfléchie : une fois exprimée, la démission produit ses effets immédiatement et ne peut faire l’objet d’aucune rétractation, sauf si l’employeur accepte expressément le retour en arrière du salarié.

Derrière ce choix se cachent de multiples enjeux : conséquences financières, existence ou non de droits à indemnisation, obligation d’exécuter un préavis, modalités exactes de calcul du solde de tout compte, accès éventuel aux allocations chômage, délivrance des documents de fin de contrat, ou encore possibilité de bénéficier d’un statut de démission légitime. La démission est parfois utilisée pour accéder à une nouvelle opportunité professionnelle, suivre son conjoint, engager une reconversion, ou entreprendre. Elle peut également répondre à la nécessité de quitter un emploi devenu incompatible avec ses aspirations personnelles ou ses conditions de vie.

Cependant, démissionner ne signifie pas rompre son contrat sans conséquences juridiques. Le salarié doit agir en conformité avec les dispositions du Code du travail, la jurisprudence sociale, sa convention collective et les règles d’assurance chômage, notamment celles issues du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024.

Afin de permettre aux justiciables d’appréhender les implications d’une telle décision, defendstesdroits.fr présente les 4 informations essentielles que tout salarié doit connaître avant de remettre sa lettre de démission. Cette analyse exhaustive met en lumière les règles applicables, les obligations de chaque partie et les droits susceptibles d’être mobilisés, pour que chaque salarié puisse sécuriser son parcours professionnel.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Comment démissionner d’un CDI ?
  3. Le préavis
  4. Le solde de tout compte
  5. Les documents remis au salarié
  6. Démission et chômage
  7. Conclusion

1. Comment se passe une démission en CDI ?

La démission ne nécessite ni validation, ni autorisation de l’employeur. Elle s’impose à lui dès lors que la volonté exprimée par le salarié est claire et non équivoque, conformément à la jurisprudence sociale constante (Cass. soc., 6 novembre 1997, n°95-44339).

Le salarié peut démissionner par simple notification écrite, idéalement par lettre remise en main propre ou par courrier recommandé. La démission ne doit toutefois pas être abusive : elle ne doit pas être prononcée dans l’intention de nuire à l’employeur sous peine d’engager la responsabilité civile du salarié.

La démission peut intervenir à tout moment, y compris pendant une suspension du contrat (arrêt maladie, congé maternité…), conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 16 décembre 1997, n°95-42090).

2. Le respect du préavis en cas de démission

L’article L1237-1 du Code du travail impose au salarié de respecter un préavis, sauf exception légalement prévue ou accord contraire de l’employeur.

2.1. Durée du préavis

La durée dépend de plusieurs sources :

  • Convention collective ;
  • Accord collectif ;
  • Usages de la profession ;
  • Dispositions spécifiques du contrat ;
  • Droit local applicable en Alsace-Moselle.

Si le contrat prévoit un préavis plus court que celui de la convention collective, c’est la durée la plus favorable au salarié qui s’applique.

Le préavis court à compter de la date de notification de la démission.

2.2. Dispense ou report du préavis

Le salarié peut demander à l’employeur :

  • de réduire le préavis ;
  • ou de le supprimer.

L’employeur n’est jamais obligé d'accepter. En revanche, lorsqu’il décide lui-même de dispenser le salarié, il doit lui verser une indemnité compensatrice de préavis, en application de l’article L1234-5 du Code du travail.

La salariée enceinte médicalement constatée peut rompre son contrat sans préavis (article L1225-34 du Code du travail).

Le non-respect du préavis expose le salarié au paiement d’une indemnité compensatrice, destinée à réparer le préjudice subi par l’employeur (Cass. soc., 29 janvier 2002, n°98-44430).

3. Le solde de tout compte et les indemnités dues

La démission n’ouvre droit à aucune indemnité de rupture, contrairement au licenciement ou à la rupture conventionnelle.

Cependant, plusieurs sommes doivent être versées au salarié :

3.1. Indemnité compensatrice de préavis (si applicable)

Due lorsque l’employeur décide lui-même de dispenser le salarié d’exécuter son préavis.

3.2. Indemnité compensatrice de congés payés

Le salarié perçoit une indemnité correspondant aux congés acquis non pris.

3.3. Contrepartie financière de clause de non-concurrence

Applicable si :

  • une clause existe ;
  • l’employeur ne la lève pas ;
  • la clause prévoit une contrepartie financière obligatoire.

3.4. Sommes diverses

Le solde de tout compte peut comprendre :

  • primes proratisées ;
  • commissions dues ;
  • rappel de salaire ;
  • indemnités prévues par accords internes.

Ce document doit être remis avec le dernier bulletin de salaire. Le salarié dispose de 6 mois pour contester un solde signé, et 3 ans s’il ne l’a pas signé.

4. Les documents remis au salarié à la fin du contrat

L’employeur doit impérativement remettre :

4.1. Le certificat de travail

Daté, signé, et comprenant les informations prévues par l’article L1234-19 du Code du travail.

4.2. L’attestation France Travail (anciennement Pôle emploi)

Document nécessaire à une éventuelle demande d’allocations.

4.3. Le solde de tout compte

Liste détaillée des sommes versées.

4.4. Les documents d’épargne salariale

État récapitulatif des sommes épargnées, participation, intéressement…

Le défaut de remise de ces documents peut justifier l’attribution de dommages-intérêts par le conseil de prud’hommes.

5. Démission et droit au chômage

En principe, la démission n’ouvre pas droit à l’assurance chômage (article L5422-1 du Code du travail).
Cependant, plusieurs exceptions permettent d’accéder à l’ARE :

5.1. La démission légitime

Par exemple :

  • suivre son conjoint ;
  • changement de résidence pour mariage ou PACS ;
  • non-paiement du salaire ;
  • violences au travail ;
  • formation obligatoire pour reconversion ;
  • promesse d’embauche non honorée ;
  • démission pour reconversion ou création d’entreprise (procédure CEP + CPIR).

5.2. La démission dans le cadre d’un projet de reconversion

Depuis le 1er novembre 2019, un salarié peut percevoir l’ARE s’il démissionne pour suivre une formation visant une reconversion validée par la CPIR – Transitions Pro.

5.3. Démission pour création ou reprise d’entreprise

Le salarié peut obtenir l’ARE si :

  • il justifie de 5 ans d’activité continue ;
  • il suit la procédure CEP ;
  • son projet est reconnu réel et sérieux.

Conclusion

La démission d’un CDI ne se limite jamais à la simple remise d’une lettre. Ce mode de rupture engage la responsabilité du salarié et emporte des conséquences précises en matière de préavis, d’indemnités, de droits sociaux et d’accès au chômage. Les textes du Code du travail, complétés par les règles d’assurance chômage, encadrent strictement les conditions dans lesquelles le salarié peut quitter son emploi sans mettre en péril ses droits.

Avant de démissionner, il est donc indispensable d’examiner l’ensemble de ces éléments : validité de la décision, respect des délais, indemnités éventuelles, documents remis, possibilité d’obtenir l’ARE dans certaines hypothèses, ou encore impact de la clause de non-concurrence.

La connaissance de ces paramètres permet au salarié d’anticiper les effets juridiques et financiers de son départ, de sécuriser sa transition professionnelle et d’éviter les litiges. defendstesdroits.fr accompagne chaque travailleur dans cette démarche, en apportant une information claire, actualisée et rigoureuse fondée sur les sources légales et jurisprudentielles pertinentes.

FAQ

1. Comment démissionner d’un CDI de manière valable et juridiquement sécurisée ?

Pour que la démission soit valable, elle doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Cela signifie que le salarié doit exprimer son intention de quitter l’entreprise sans ambiguïté, par écrit de préférence, et dans des conditions excluant toute impulsivité ou pression. Une démission donnée dans un moment d’émotion intense (conflit, fatigue, stress) peut être contestée si le salarié parvient à démontrer que son consentement a été altéré. La démission ne requiert aucune validation de l'employeur : elle s’impose à lui. Toutefois, le salarié a tout intérêt à formaliser sa décision par lettre datée et signée, de façon à engager le point de départ du préavis et prévenir toute contestation.

Par ailleurs, la démission ne doit pas être abusive : si elle est prononcée dans l’intention de nuire ou de porter préjudice à l’employeur (par exemple en quittant un poste à un moment stratégique pour désorganiser l’entreprise), elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.

2. Êtes-vous obligé d’effectuer un préavis lorsque vous démissionnez d’un CDI ?

Le préavis est la règle. Selon l’article L1237-1 du Code du travail, le salarié doit exécuter un préavis, dont la durée dépend :

  • de la convention collective ;
  • d’un accord de branche ou d’entreprise ;
  • des usages dans la profession ;
  • ou du contrat de travail, dans la limite de ce qui est plus favorable au salarié.

Le préavis commence à courir dès la notification de la démission. Le salarié peut toutefois demander :

  • un report, par accord avec l’employeur ;
  • une réduction, sur autorisation de l’employeur ;
  • une dispense totale, accordée par l’employeur, ce qui donne droit à une indemnité compensatrice car l’employeur reste débiteur de la rémunération qu’aurait perçue le salarié durant le préavis.

À l’inverse, si le salarié refuse d’exécuter son préavis sans autorisation, il peut être condamné à indemniser l’employeur du préjudice subi (Cass. soc., 29 janvier 2002).
Certaines situations légales dispensent automatiquement de préavis, comme la démission d’une salariée enceinte médicalement constatée (article L1225-34).

3. Quelles indemnités peut percevoir un salarié qui démissionne ?

Contrairement au licenciement ou à la rupture conventionnelle, la démission n’ouvre droit à aucune indemnité de rupture. Toutefois, le salarié peut percevoir plusieurs sommes, obligatoires selon la situation :

  • Indemnité compensatrice de congés payés : elle correspond aux jours acquis et non pris.
  • Indemnité compensatrice de préavis, uniquement si l’employeur dispense le salarié de l’exécuter.
  • Indemnité liée à une clause de non-concurrence, si la clause est applicable et que l’employeur ne la lève pas.
  • Prime de fin d’année, commissions ou primes variables, dues si elles correspondent à une période travaillée ou à des objectifs remplis.
  • Rappels de salaire, en cas d’heures supplémentaires non payées ou de primes oubliées.

Le solde de tout compte récapitule l’ensemble de ces sommes. S’il est signé, il peut être contesté dans un délai de 6 mois ; s’il ne l’est pas, le salarié dispose de 3 ans pour contester.

4. Quels documents l’employeur doit-il remettre au salarié après une démission et pourquoi sont-ils indispensables ?

À la fin du contrat, l’employeur doit remettre :

  • le certificat de travail, attestant de l'emploi et des dates d’entrée et de sortie ;
  • l'attestation France Travail, indispensable pour toute demande d’allocations, même si la démission ne donne pas droit à un chômage immédiat ;
  • le reçu pour solde de tout compte, listant toutes les sommes versées ;
  • l’état récapitulatif de l’épargne salariale, si des dispositifs sont en place (participation, intéressement, PEE, PERCO…).

L’absence de remise de ces documents peut provoquer un préjudice grave pour le salarié : impossibilité de faire valoir ses droits au chômage ultérieurement, difficultés pour justifier de son expérience professionnelle…
L’employeur peut être condamné à des dommages-intérêts et encourir une sanction administrative.

5. Peut-on percevoir le chômage après avoir démissionné d’un CDI ?

En principe, la démission ne donne pas droit à l’ARE, car elle constitue une rupture volontaire, ce qui est incompatible avec l’article L5422-1 qui conditionne l’indemnisation à une perte involontaire d’emploi.

Cependant, plusieurs exceptions permettent d’être indemnisé :

Démissions légitimes

Par exemple :

  • suivre son conjoint muté ;
  • changement de résidence après mariage ou PACS ;
  • violences conjugales nécessitant un déménagement ;
  • salaires impayés ;
  • enfant handicapé nécessitant un changement de résidence ;
  • non-respect des obligations contractuelles par l’employeur ;
  • promesse d’embauche ferme non exécutée.
Démission pour reconversion professionnelle

Procédure encadrée par un CEP et une validation du projet par la CPIR.

Démission pour création ou reprise d’entreprise

Possible uniquement si :

  • le salarié justifie de 5 ans d’activité continue ;
  • son projet est reconnu comme réel et sérieux par Transitions Pro.
Examen de la situation après 121 jours

Si aucune indemnisation n’est versée, le salarié peut demander un réexamen auprès de l’Instance Paritaire Régionale, en démontrant ses efforts continus de recherche d’emploi.

Cette variété de dispositifs démontre que la démission n’exclut pas totalement la possibilité d’une indemnisation, mais celle-ci dépend d’un cadre légal très strict et de démarches précises.

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