La gestion du temps de travail constitue un enjeu majeur au sein des entreprises, tant pour la continuité des activités que pour la protection de la santé et de l’équilibre de vie des salariés. Parmi les dispositifs permettant d’adapter l’organisation du travail, les RTT (Réductions du Temps de Travail) jouent un rôle central, notamment dans les entreprises fonctionnant au-delà des 35 heures hebdomadaires.
Introduits dans le cadre des réformes visant à moderniser le droit du travail et à favoriser la réduction de la durée légale, les RTT permettent de compenser les heures effectuées au-delà de 35 heures sans recourir aux mécanismes d’heures supplémentaires, conformément aux articles L3121-27 et L3121-28 du Code du travail.
Si ces accords ne peuvent plus être créés depuis 2008, nombre d’entre eux continuent de s’appliquer et encadrent encore aujourd’hui la répartition des temps de repos dans les entreprises. Pour les salariés concernés, les règles relatives à l’acquisition des RTT, à leur utilisation, aux modalités de prise de jours imposés ou libres, ainsi qu’à leur éventuelle indemnisation, demeurent fondamentales.
Pourtant, ces règles sont largement conditionnées par le contenu de l’accord collectif applicable, ce qui implique une grande diversité d’interprétations et de pratiques entre les secteurs d’activité.
Maîtriser le régime des RTT suppose de comprendre la logique qui les sous-tend : compensation des heures réalisées entre 35 heures et 39 heures, détermination des droits ouverts selon les modalités de travail effectif, articulation avec les absences, transfert éventuel au Compte Épargne-Temps (CET), effets en cas de rupture du contrat de travail, ou encore possibilités récentes de monétisation prévues par la loi de finances 2025. À cela s’ajoutent les contraintes organisationnelles propres à chaque entreprise, qui exigent une planification rigoureuse des jours imposés et des jours choisis.
Dans un contexte où le droit du travail se renouvelle régulièrement — notamment en matière de durée du travail, de repos compensateur ou de rémunération — il est essentiel pour les employeurs et les salariés de connaître les règles applicables aux RTT, afin de garantir une gestion conforme à la réglementation, réduire les risques de litiges et assurer une utilisation efficace des périodes de repos. À travers cet article, defendstesdroits.fr propose une analyse détaillée, structurée et juridiquement fondée du fonctionnement des RTT, en s’appuyant sur les textes légaux, les accords collectifs et les décisions récentes de la jurisprudence.
1. Introduction
2. Définition des RTT
3. Différence entre RTT et congés payés
4. RTT et heures supplémentaires
5. Salariés concernés par les RTT
6. Calcul du nombre de RTT
7. Modalités de prise des RTT
8. RTT non pris : perte, report, CET
9. Indemnisation et rémunération des RTT
10. Monétisation des RTT
11. RTT et rupture du contrat
12. Cas particuliers : forfait jours, annualisation
13. Conclusion
Le terme RTT désigne la Réduction du Temps de Travail, au sens des articles L3121-1 et suivants du Code du travail.
Il s’agit d’un dispositif permettant aux salariés travaillant plus de 35 heures, mais dans la limite de 39 heures, d’obtenir des jours de repos en compensation.
Ces jours résultent :
Depuis 2008, il n’est plus possible de négocier de nouveaux accords RTT, mais les accords existants continuent de produire leurs effets tant qu’ils n’ont pas été dénoncés.
Bien que les RTT soient souvent pris de manière similaire aux congés payés, leur fondement juridique est différent :
Les deux dispositifs coexistent, mais leurs règles de calcul, d’utilisation et d’indemnisation sont distinctes.
L’article L3121-28 du Code du travail dispose que toute heure effectuée au-delà de la durée légale est une heure supplémentaire. Toutefois, dans les entreprises disposant d’un accord RTT, les heures comprises entre 35 et 39 heures ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires mais comme des heures générant des RTT.
En revanche, la 40e heure effectuée dans une semaine à 39 heures constitue bien une heure supplémentaire soumise à majoration ou à repos compensateur.
Un salarié ne peut bénéficier de RTT que si l’entreprise est couverte par un accord collectif RTT (accord de branche, d’entreprise ou d’établissement).
L’accord doit être accessible aux salariés, conformément aux obligations d’information prévues par le Code du travail.
Seuls les salariés dont le temps de travail hebdomadaire dépasse 35 heures, dans la limite de 39 heures, peuvent acquérir des jours de repos.
Les salariés à temps partiel ou ceux ne relevant pas de l'accord ne génèrent pas de RTT.
Le salarié acquiert des RTT à mesure des heures effectuées au-delà de 35 heures.
Exemple :
Un salarié travaillant 39 heures par semaine génère 4 heures de RTT hebdomadaires. Celles-ci peuvent être converties en jours de repos selon les modalités prévues par l’accord collectif.
Certains accords prévoient un nombre fixe de RTT sur l’année, par exemple 12 ou 13 jours.
Dans ce cas :
Les arrêts maladie ou absences peuvent réduire les RTT lorsque l’accord le prévoit.
Néanmoins, un salarié malade le jour même d’un RTT ne peut exiger d’en récupérer un autre (Circ. DRT 2000-07).
L’accord RTT définit :
La loi ne fixe pas de répartition obligatoire : tout dépend du texte applicable.
En pratique, les accords prévoient souvent une répartition équilibrée.
Les RTT ne peuvent être posés sur des jours non travaillés ou des jours fériés, y compris les jours spécifiques d’Alsace-Moselle.
À défaut, le salarié doit être indemnisé ou bénéficier d’un jour de récupération.
Si le salarié ne prend pas ses RTT dans les délais fixés par l’accord, ils sont en principe perdus, sauf :
Un salarié en RTT doit être rémunéré comme s’il travaillait, y compris en cas de rémunération composée de primes variables (Cass. soc., 28 mars 2018).
La loi de finances 2025 permet la monétisation des RTT acquis entre 2022 et 2026, sur la base du volontariat du salarié et avec accord de l’employeur.
La rémunération est :
Les jours de RTT non pris au moment de la rupture du contrat ne donnent lieu à indemnisation que si l’accord collectif le prévoit, ou si l’employeur a empêché le salarié de les prendre (Cass. soc., 31 mars 2016).
Certains accords prévoient des mécanismes de report propres :
Les modalités de report, d’indemnisation et de conversion des RTT doivent être expressément définies dans l’accord collectif.
La prise ou l’acquisition de RTT dépend intégralement de ce que prévoit l’accord.
Cependant :
Les jours de RTT non pris en raison d’un empêchement imputable à l’employeur peuvent ouvrir droit à indemnisation.
Le régime juridique des RTT illustre parfaitement la complexité et la richesse du droit du temps de travail en France. Bien qu’issus d’accords collectifs désormais anciens, les RTT continuent d’organiser une partie essentielle du repos en entreprise, en permettant d’équilibrer une durée de travail supérieure à 35 heures tout en garantissant la protection des salariés. Leur fonctionnement repose sur une articulation fine entre le Code du travail, les accords collectifs, la jurisprudence et les nécessités opérationnelles de l’entreprise, ce qui exige une compréhension précise de leurs mécanismes d’acquisition, d’utilisation et d’indemnisation.
La diversité des pratiques selon les secteurs, la possibilité d’imposer certains jours, les modalités d’utilisation par les salariés, les incidences des absences ou des arrêts de travail, et plus récemment, le développement de la monétisation des RTT témoignent de l’évolution permanente du dispositif. La loi de finances 2025, en prolongeant la possibilité de rachat des RTT, renforce encore la dimension économique de ces jours de repos et crée de nouvelles obligations pour les employeurs en matière d’information, de gestion des demandes et de conformité sociale.
L’analyse juridique révèle également l’importance de l’accord collectif, véritable socle du régime des RTT : c’est lui qui détermine le nombre de jours ouverts, les conditions de prise, les délais, les modalités de report, le recours éventuel au Compte Épargne-Temps, ou encore l’indemnisation en cas de rupture du contrat. En l’absence de dispositions protectrices, la jurisprudence rappelle régulièrement que les jours non pris peuvent être perdus, sauf si le salarié démontre que son employeur ne lui a pas permis de les prendre dans les délais.
Les RTT ne se limitent donc pas à un simple avantage social. Ils constituent un outil structuré, soumis à des règles strictes et susceptibles de générer des litiges lorsqu’ils ne sont pas correctement gérés. Pour les salariés, connaître leurs droits permet d’assurer une utilisation optimale des jours de repos qui leur sont dus. Pour les employeurs, maîtriser ces obligations contribue à sécuriser l'organisation du temps de travail, à prévenir les erreurs de paie et à renforcer la qualité du dialogue social.
En proposant une lecture détaillée des règles applicables au dispositif RTT, defendstesdroits.fr entend accompagner l’ensemble des acteurs de l’entreprise dans l’application rigoureuse du droit du travail et dans la gestion éclairée des temps de repos, dans une logique de conformité, de transparence et de protection des droits sociaux.
Le calcul du nombre de jours de RTT repose uniquement sur l’accord collectif applicable (accord d’entreprise, d’établissement ou accord de branche), conformément aux articles L3121- 27 et L3121-28 du Code du travail. Il n’existe donc aucune règle légale uniforme : tout dépend des modalités retenues dans le texte qui a instauré le dispositif RTT avant 2008.
Deux méthodes principales existent :
a) Logique d’acquisition
Le salarié acquiert progressivement ses RTT en fonction des heures travaillées au-delà de 35 heures, dans la limite de 39 heures.
Exemple :
Un salarié travaillant 39 heures par semaine génère 4 heures de RTT hebdomadaires, converties en jours selon les règles de l’accord (souvent 7 heures ou 7h30 = 1 RTT).
Dans cette logique, toute absence peut réduire les droits : arrêt maladie, absence injustifiée, congé sans solde, etc., sauf si l’accord prévoit des dérogations.
b) Logique forfaitaire
L’accord fixe un nombre annuel : par exemple 10, 12 ou 13 jours de RTT.
Les absences ne diminuent pas les RTT sauf stipulation expresse.
Les arrêts maladie n’ont donc généralement aucune incidence.
c) Cas des salariés en forfait jours
Si l’accord prévoit des RTT spécifiques pour les salariés au forfait jours, ceux-ci ne sont pas liés à la durée hebdomadaire mais à l’écart entre le nombre de jours travaillés et le plafond annuel légal (218 jours).
d) Cas particulier de la fonction publique
Les RTT résultent des décrets de 2000, 2001 et 2002 et se calculent en fonction du cycle de travail (8h00 par jour, 39 heures hebdomadaires, etc.), conformément à l’organisation arrêtée par chaque administration.
L’employeur peut imposer des dates de RTT uniquement si l’accord collectif le prévoit.
La loi ne fixe aucun pourcentage minimal ou maximal de jours imposés : tout dépend du texte applicable.
Dans les faits, de nombreux accords prévoient une répartition par exemple :
Les jours imposés par l’employeur doivent répondre à un motif organisationnel, comme :
L’employeur doit également respecter :
En cas d’erreur, le salarié peut exiger :
En principe, les RTT doivent être utilisés avant la fin de la période fixée par l’accord (souvent l’année civile).
À défaut, ils sont perdus, sauf exceptions.
a) Perte des RTT non pris
La Cour de cassation a jugé que les RTT sont perdus lorsqu’aucune disposition collective ne prévoit un report (Cass. soc., 18 mars 2015).
Le salarié n’a pas droit automatiquement à indemnisation.
b) Report possible si accord collectif le prévoit
Certains accords permettent :
c) Cas où le salarié n’a pas pu prendre ses RTT du fait de l’employeur
Si le salarié démontre que l’employeur ne lui a pas permis de prendre ses RTT (surcharge, refus injustifié, absence de planning…) :
d) Alimentation du Compte épargne-temps
Si un CET est en place, le salarié peut y transférer des RTT non pris, sous conditions fixées par l’accord CET.
a) Indemnisation d’une journée normale de RTT
Lorsqu’un salarié prend une journée de RTT, il est rémunéré comme s’il travaillait.
Aucune retenue n’est possible, y compris pour les salariés dont la rémunération comporte une part variable (Cass. soc., 28 mars 2018).
b) Monétisation volontaire des RTT (rachat)
La loi de finances 2025 autorise le rachat des RTT acquis entre 2022 et 2026, sous trois conditions :
Ce rachat offre plusieurs avantages :
c) Monétisation refusée
L’employeur peut refuser la demande, sauf clause contraire dans l’accord.
Le sort des RTT en fin de contrat dépend principalement de l’accord collectif.
Il n’existe aucune indemnisation légale automatique des RTT non pris.
Le salarié ne peut être indemnisé que si :
Le même principe s’applique :
Pas d’indemnisation automatique, sauf disposition collective, ou impossibilité imputable à l’employeur.
Les RTT non pris ne génèrent aucune indemnisation, sauf stipulation contraire dans l’accord ou faute de l’employeur.