Pénal

Constater une malfaçon : rôle de l’expert, de l’avocat et du juge

Francois Hagege
Fondateur
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Malfaçons après travaux : vers qui se tourner pour les faire constater ?

Faire réaliser des travaux dans son logement ou sur un bien immobilier représente souvent un investissement important et un projet de vie. Le maître d’ouvrage est en droit d’attendre une réalisation conforme au contrat, aux règles de l’art et durable dans le temps.

Pourtant, il n’est pas rare que des désordres, malfaçons ou non-conformités apparaissent à la réception ou après quelques mois d’utilisation. Dans ce contexte, faire établir un constat de malfaçons est une étape incontournable pour préserver ses droits, faire valoir les garanties légales ou contractuelles, et obtenir réparation.

Encore faut-il savoir quel professionnel est habilité à constater ces malfaçons, dans quelles conditions et avec quelle valeur juridique. L'enjeu est à la fois technique et juridique, car seule une preuve solide peut permettre au justiciable de faire valoir sa demande, à l’amiable comme en justice.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Pourquoi faire établir un constat de malfaçons
  3. Quels professionnels sont habilités à constater une malfaçon
  4. Quand faire constater une malfaçon
  5. Conclusion
  6. FAQ

Pourquoi faire établir un constat de malfaçons ?

Une nécessité juridique et stratégique

Les malfaçons peuvent prendre des formes diverses : infiltrations, fissures, défauts d’isolation, mauvaises finitions, décollements de revêtements, dysfonctionnements électriques… Ces désordres constituent un manquement aux obligations contractuelles de l’entrepreneur, fondées notamment sur l’article 1792 du Code civil, qui instaure une responsabilité décennale à la charge du constructeur.

Cependant, pour que le maître d’ouvrage puisse engager efficacement la responsabilité du professionnel, il doit démontrer l'existence, l'origine et l'ampleur du défaut. Le simple constat visuel ou subjectif du propriétaire ne suffit pas juridiquement. D’où l’intérêt de faire intervenir un professionnel indépendant pour dresser un constat opposable.

Une valeur probante renforcée

Un constat établi par un professionnel qualifié – expert en bâtiment, commissaire de justice ou expert judiciaire – possède une force probante nettement supérieure à une simple observation du maître d’ouvrage.

Ce type de constat permet de donner une dimension objective au litige, en apportant une preuve technique, neutre et structurée des désordres affectant l’ouvrage.

Cette objectivation du désordre joue un rôle déterminant à plusieurs niveaux :

  • Elle renforce la crédibilité du maître d’ouvrage dans ses échanges avec l’artisan ou l’entreprise mise en cause.
  • Elle permet de convaincre l’assureur de la validité du sinistre, notamment dans le cadre d’une déclaration au titre de la garantie décennale ou d’une assurance dommages-ouvrage.
  • Elle constitue une pièce décisive en justice, puisque le juge fonde son appréciation sur les éléments techniques fiables fournis au dossier.

En effet, lorsque le désordre est clairement décrit, photographié, mesuré, et analysé dans un rapport rédigé par un tiers compétent, il devient très difficile pour l’entrepreneur de contester la réalité ou l’origine du dommage.

Cette résistance à la contestation renforce les chances de succès du maître d’ouvrage, même dans le cadre d’un règlement amiable, en incitant le professionnel à réparer ou indemniser pour éviter un procès. Ainsi, le constat professionnel devient un levier stratégique dans la résolution des litiges liés aux malfaçons.

Quels professionnels sont habilités à constater une malfaçon ?

L’expert en bâtiment : l’auxiliaire technique par excellence

L’expert en bâtiment est souvent le premier intervenant à solliciter pour un constat de malfaçons. Titulaire d'une formation technique approfondie, souvent ingénieur ou architecte, il procède à une expertise amiable en analysant les désordres, leur origine, leur gravité, ainsi que les responsabilités engagées.

Il rédige ensuite un rapport circonstancié décrivant les malfaçons, leur impact sur l’ouvrage, et estimant le coût des réparations. Ce rapport peut être joint à une mise en demeure adressée à l’entrepreneur, dans le but d’obtenir réparation sans passer par une procédure judiciaire.

Ce type d’expertise est particulièrement pertinent dans le cadre de la garantie de parfait achèvement (article 1792-6 du Code civil), valable un an après la réception des travaux, ainsi que dans les contextes de garantie biennale ou garantie décennale selon la nature des désordres.

L’huissier de justice (devenu commissaire de justice) : pour un constat authentique

Le commissaire de justice (anciennement huissier) peut également intervenir pour établir un constat de malfaçons. Son rôle est ici limitativement descriptif : il ne donne pas d’avis technique sur la qualité des ouvrages, mais dresse un procès-verbal de constat, décrivant de manière neutre et officielle les désordres visibles.

Ce constat est doté d’une force probante renforcée en vertu de l’article 1er de l’ordonnance du 2 juin 1945, car il est réalisé par un officier public ministériel. Il peut s’avérer précieux pour constituer un dossier de preuve en cas de procédure, mais n’est pas suffisant à lui seul si les causes du désordre sont complexes ou cachées.

L’expert judiciaire : un acteur clé en cas de procédure

Si la phase amiable échoue, le maître d’ouvrage peut saisir le tribunal judiciaire. Celui-ci peut alors, sur requête ou assignation, désigner un expert judiciaire inscrit sur la liste des experts près la Cour d’appel, conformément aux articles 145 et 232 du Code de procédure civile.

L’expert judiciaire convoque les parties, procède à des investigations sur site, organise des réunions contradictoires, et rédige un rapport d’expertise judiciaire. Ce rapport, déposé au greffe, constitue un élément déterminant pour le jugement.

Deux issues principales peuvent découler de cette expertise :

  • soit le juge ordonne la réparation des malfaçons par le professionnel initial, dans un délai contraignant ;
  • soit il condamne le professionnel à indemniser le coût des réparations, qui devront être confiées à un autre artisan.

L’avocat en droit de la construction : votre allié stratégique

L’avocat spécialisé en droit de la construction n’est pas habilité à constater les malfaçons au sens technique, mais il oriente et coordonne les démarches juridiques. Son rôle est fondamental pour :

  • apprécier l’opportunité d’une expertise amiable ou judiciaire,
  • rédiger les mises en demeure,
  • engager les actions en justice (notamment en référé pour obtenir une expertise urgente, cf. article 145 du Code de procédure civile),
  • défendre les intérêts du maître d’ouvrage à toutes les étapes du litige.

Son accompagnement est également précieux pour interpréter les rapports d’expertise, négocier avec l’assureur, et mettre en œuvre les garanties légales.

Quand faire constater une malfaçon ?

Il est essentiel de réagir rapidement lorsqu'une malfaçon est constatée à l’issue de travaux de construction ou de rénovation.

En effet, le délai pour agir varie selon le régime juridique applicable, et tout retard peut compromettre l’exercice des recours. Voici les principaux délais à connaître :

  • 1 an à compter de la réception des travaux pour les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement (article 1792-6 du Code civil) : cette garantie impose à l’entrepreneur de réparer tous les défauts signalés par le maître d’ouvrage, qu’ils soient apparents à la réception ou dénoncés dans l’année qui suit. Elle couvre l’ensemble des malfaçons, quelle que soit leur gravité.
  • 2 ans pour les défauts affectant les éléments d’équipement dissociables (article 1792-3 du Code civil) : la garantie biennale s’applique aux éléments qui peuvent être enlevés ou remplacés sans détériorer l’ouvrage, comme les radiateurs, les robinetteries ou les volets. Elle oblige l’entrepreneur à les réparer ou les remplacer en cas de mauvais fonctionnement.
  • 10 ans pour les désordres compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination (article 1792 du Code civil) : c’est le champ de la garantie décennale, qui couvre les défauts les plus graves (effondrement, infiltrations majeures, affaissements, etc.). Elle est d’ordre public, ce qui signifie que l’entrepreneur ne peut s’y soustraire.
  • 5 ans pour engager la responsabilité contractuelle de droit commun, en l’absence de garantie spécifique (article 2224 du Code civil) : ce délai commence à courir à compter de la découverte du dommage. Il s’applique notamment aux malfaçons qui ne relèvent pas des garanties légales, par exemple en cas de défaut de conseil, non-respect des clauses contractuelles ou malfaçon mineure.

Il est donc fondamental de faire constater la malfaçon dès son apparition, même si le dommage semble léger.

Ce constat permet de conserver la preuve de l’existence et de la nature du désordre, ce qui est indispensable pour engager la responsabilité de l’artisan ou de l’entreprise. Plus le constat est réalisé tôt, plus il sera aisé de mobiliser les garanties applicables, de déterminer les responsabilités et de constituer un dossier solide en vue d’un règlement amiable ou judiciaire du litige.

Conclusion

Le constat de malfaçons constitue une pièce maîtresse pour engager la responsabilité de l’entreprise ou de l’artisan défaillant.

Qu’il soit dressé par un expert en bâtiment, un commissaire de justice ou dans le cadre d’une expertise judiciaire, il permet d’objectiver les désordres, d’en identifier l’origine et de fonder juridiquement les demandes de réparation ou d’indemnisation.

Face à un entrepreneur qui conteste les défauts ou refuse d’intervenir, le recours à des professionnels habilités et à un avocat en droit de la construction permet de sécuriser ses démarches et de faire respecter ses droits. La réussite de cette procédure repose sur une action rapide, rigoureuse, et juridiquement encadrée, à la lumière des garanties prévues par le Code civil.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’une malfaçon dans le cadre de travaux de construction ou de rénovation ?
Une malfaçon désigne un défaut de réalisation affectant un ouvrage, que ce soit un vice de forme, une erreur d’exécution ou un non-respect des normes techniques. Elle peut concerner aussi bien le gros œuvre (fissures sur une dalle, affaissement de fondations) que les finishes (carrelage mal posé, peinture non uniforme). En droit, elle constitue un manquement à l'obligation de résultat imposée à l'entrepreneur (articles 1792 et suivants du Code civil). Ce manquement engage la responsabilité contractuelle du professionnel et, selon la gravité du désordre, peut relever de la garantie de parfait achèvement, de la garantie biennale ou de la garantie décennale.

2. Quel professionnel est compétent pour établir un constat de malfaçons ?
Plusieurs professionnels peuvent constater des malfaçons, selon la nature du litige et la phase du dossier :

  • L’expert en bâtiment est souvent sollicité dans un premier temps pour une expertise amiable. Il possède une formation technique (ingénieur, architecte…) et établit un rapport détaillé, décrivant les désordres, leur origine, les responsabilités et le coût estimé des réparations.
  • Le commissaire de justice (anciennement huissier) peut réaliser un constat descriptif des désordres visibles, doté d’une valeur probante renforcée. Il ne donne pas d’avis technique, mais son procès-verbal peut appuyer une action en justice.
  • L’expert judiciaire, quant à lui, est désigné par le tribunal judiciaire lors d’un contentieux. Son rapport sert de fondement technique à la décision du juge. Il agit conformément aux articles 145 et 232 du Code de procédure civile.

3. Dans quels cas le recours à un expert judiciaire est-il nécessaire ?
Le recours à un expert judiciaire devient indispensable lorsque :

  • L’expertise amiable a échoué ou est contestée par l’artisan ou l’entreprise.
  • Le litige ne peut être résolu à l’amiable et nécessite un jugement.
  • Les désordres sont techniquement complexes et nécessitent une expertise contradictoire.
    L’expert judiciaire est alors nommé par le juge dans le cadre d’une procédure de référé expertise (article 145 du Code de procédure civile) ou d’un procès au fond. Son rapport établit objectivement les responsabilités et constitue une pièce maîtresse du dossier. Il permet au juge de trancher entre :
  • la condamnation du professionnel à exécuter les réparations,
  • ou à verser des dommages-intérêts pour couvrir les frais de remise en état.

4. Peut-on faire constater une malfaçon des mois ou des années après la fin des travaux ?
Oui, cela dépend du type de garantie applicable. En droit de la construction, les délais pour agir sont strictement encadrés :

  • Garantie de parfait achèvement : 1 an à compter de la réception des travaux (article 1792-6 du Code civil) ;
  • Garantie biennale : 2 ans pour les éléments d’équipement dissociables (article 1792-3) ;
  • Garantie décennale : 10 ans pour les désordres affectant la solidité ou la destination de l’ouvrage (article 1792) ;
  • Responsabilité contractuelle de droit commun : 5 ans à compter de la découverte du dommage, pour les malfaçons ne relevant d’aucune des garanties précitées (article 2224 du Code civil).
    Dans tous les cas, plus l’action est rapide, plus il sera facile d’obtenir réparation ou d’activer l’assurance dommages-ouvrage.

5. Pourquoi se faire accompagner par un avocat en droit de la construction en cas de malfaçon ?
L’avocat spécialisé en droit de la construction est un allié indispensable pour :

  • Analyser la nature des malfaçons et déterminer le régime juridique applicable ;
  • Mettre en demeure l’entrepreneur, via un courrier structuré, appuyé sur les constats et expertises réalisés ;
  • Saisir le juge en référé ou au fond, en demandant notamment la désignation d’un expert judiciaire ;
  • Constituer un dossier solide avec les pièces probantes (devis, contrats, constats, rapports d’expertise, échanges écrits).
    Son intervention est particulièrement recommandée dans les litiges techniques ou lorsque le montant des réparations est élevé. Il garantit une défense rigoureuse, adaptée aux procédures spécifiques du droit de la construction.

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