La volonté de créer ou reprendre une entreprise constitue désormais l’un des motifs les plus fréquents de reconversion professionnelle en France. Chaque année, plusieurs milliers de salariés souhaitent quitter leur emploi salarié pour se lancer dans une activité indépendante ou entrepreneuriale. Pourtant, cette transition soulève une question juridique majeure : comment démissionner tout en préservant ses droits à l’assurance chômage, afin de disposer d’un filet de sécurité lors du lancement de son activité ?
Le cadre légal issu de la réforme de l’assurance chômage, notamment la convention du 15 novembre 2024, a profondément modifié les conditions d’accès aux allocations en cas de démission. Contrairement à ce que prévoit le principe traditionnel posé par l’article 2 §2 du règlement général annexé à la convention de 2024, selon lequel l’ARE est réservée aux ruptures involontaires du contrat de travail, certaines démissions ouvrent désormais droit à indemnisation lorsqu’elles s’inscrivent dans un projet professionnel réel, sérieux et accompagné.
Ainsi, un salarié en CDI qui souhaite entreprendre n’est plus condamné à renoncer à ses droits. Il peut, sous conditions strictes, solliciter l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) après validation de son projet entrepreneurial par la Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (CPIR – Transitions Pro). Cette possibilité repose sur un ensemble de démarches obligatoires — élaboration d’un dossier, demande de Conseil en évolution professionnelle, dépôt auprès de Transitions Pro, inscription à France Travail — dont le non-respect peut entraîner un refus définitif d’indemnisation.
L’objectif de ce guide proposé par defendstesdroits.fr est d’offrir aux justiciables une synthèse juridique complète, accessible et conforme aux exigences légales et réglementaires. Il expose avec précision chaque étape de la procédure, les textes de référence applicables, les droits financiers mobilisables (ARE, ACRE, ARCE), ainsi que les risques encourus en cas d’erreur ou d’anticipation excessive. À travers une analyse structurée et actualisée, ce contenu accompagne les salariés désireux de sécuriser leur reconversion, depuis la préparation du projet jusqu’à son déploiement concret.
En principe, l’ARE n’est ouverte qu’aux salariés privés involontairement d’emploi, conformément à l’article 2 §2 du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024.
Cependant, une démission peut ouvrir droit au chômage lorsqu’elle intervient dans le cadre :
Ce dispositif, prévu depuis le 1er novembre 2019, demeure applicable sous réserve du respect strict des étapes imposées par le législateur et France Travail.
Selon l’article 4 du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024, le salarié doit :
Ces conditions doivent être réunies avant toute démarche. Le salarié doit également disposer d’un début de projet entrepreneurial formulé dans ses grandes lignes, même s’il n’est pas encore finalisé.
Le CEP, prévu par le Code du travail, constitue une étape obligatoire et gratuite. Il permet d’évaluer la faisabilité du projet et de s’assurer que la démarche de reconversion est structurée.
Il est vivement recommandé de conserver toute preuve de la demande de CEP, preuve qui permettra ultérieurement de démontrer que la démission n’a pas précédé l’accompagnement professionnel.
Important : à ce stade, la démission est prématurée. Une démission intervenue avant la demande de CEP ne permet pas d’ouvrir de droits à l’ARE dans ce cadre spécifique.
Le salarié doit constituer un dossier démontrant la réalité et le caractère sérieux de son projet.
Le contenu de cette demande est défini par l’arrêté du 23 octobre 2019, annexe 2 pour les projets entrepreneuriaux et annexe 1 pour les projets de formation.
Ce document vise à démontrer que le projet est suffisamment structuré pour justifier une reconversion professionnelle financée par l’assurance chômage.
La CPIR (Transitions Pro), compétente en matière de reconversion professionnelle, reçoit et évalue les demandes. L’envoi doit être réalisé :
L’accusé de réception constitue une preuve essentielle en cas de contestation.
La CPIR dispose de 2 mois pour statuer :
En cas de refus, un recours gracieux est possible dans un délai identique de 2 mois, selon la procédure indiquée dans la notification.
Aucune démission ne doit intervenir avant la validation, sauf à prendre le risque d’un refus définitif d’indemnisation, même en cas de projet entrepreneurial bien avancé.
La démission ne peut intervenir qu’une fois obtenue l’attestation de Transitions Pro.
Bien qu'il soit légalement possible de démissionner après envoi du dossier, cette pratique expose le salarié au refus d’ARE si la commission ne valide pas le projet.
Après démission, le salarié effectue son préavis dans les conditions prévues par le droit commun ou par la convention collective applicable à son secteur.
L’inscription sur les listes des demandeurs d’emploi est une condition essentielle pour percevoir l’ARE. Elle doit intervenir :
Une fois inscrit, le projet est intégré dans le contrat d’engagement, anciennement projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE). L’ARE est versée si les conditions d’ouverture de droits sont remplies.
Dans les 6 mois qui suivent l’ouverture des droits, France Travail vérifie que le salarié :
L’absence de mise en œuvre entraîne une radiation et une suspension de l’allocation pendant 4 mois.
L’ACRE, prévue par le Code de la sécurité sociale, offre :
Elle doit être demandée auprès de l’URSSAF, de préférence en début de trimestre civil.
Elle n’est pas disponible en cas de création d’entreprise à l’étranger et ne peut être attribuée si elle a été obtenue dans les trois années précédentes.
À ne pas confondre avec l’ACRE, l’ARCE est un capital versé par France Travail, financé par les droits restants à l’ARE, conformément :
Depuis le 1er avril 2025, le second versement est soumis à une condition nouvelle :
ne pas exercer une activité salariée en CDI à temps plein au moment de la demande de seconde fraction.
Le NACRE a été transféré aux Régions depuis 2017. Les Régions proposent désormais leurs propres dispositifs :
Les conditions varient selon les territoires et doivent être consultées localement.
La démission pour création ou reprise d’entreprise n’est plus un saut dans l’inconnu. Le droit positif permet désormais d’articuler rupture du contrat de travail et indemnisation par l’assurance chômage, à condition de respecter rigoureusement les étapes prévues par le Code du travail et par la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024. La procédure conçue par le législateur repose sur une logique de sécurisation : accompagner le salarié dans la définition de son projet, contrôler son sérieux, garantir la cohérence entre reconversion professionnelle et versement de fonds publics.
L’attestation du caractère réel et sérieux, délivrée par la CPIR après un examen approfondi du dossier, demeure la clé de voûte du dispositif. Elle conditionne l’accès aux allocations chômage (ARE) et ouvre également la voie à des aides complémentaires telles que l’ACRE ou l’ARCE, encadrées respectivement par le Code du travail et par les textes de sécurité sociale. La mise en œuvre effective du projet au cours des mois suivant l’ouverture des droits représente également une obligation légale, sous peine de radiation et de suspension des indemnités.
Pour les salariés aspirant à une nouvelle autonomie professionnelle, connaître et respecter cette procédure constitue une garantie indispensable pour préserver leur sécurité financière tout en préparant sereinement leur installation entrepreneuriale. Les juristes de defendstesdroits.fr rappellent que chaque situation mérite une analyse individualisée, particulièrement en présence d’éléments liés au contrat de travail, à la durée d’activité, au calendrier des démarches ou au choix du statut juridique de la future entreprise.
Oui, cela est désormais possible grâce au dispositif issu de la réforme de l’assurance chômage et des règles fixées par le règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024. Traditionnellement, l’ARE n’était accessible qu’en cas de perte d’emploi involontaire. Cependant, le législateur a instauré une exception pour les salariés démissionnaires porteurs d’un projet professionnel réel et sérieux.
Pour bénéficier de ce droit, la procédure doit être strictement respectée : demande de Conseil en Évolution Professionnelle (CEP), constitution d’un dossier complet, évaluation du projet par la Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (Transitions Pro), puis démission uniquement après la validation. Cette validation conditionne non seulement le versement de l’ARE mais aussi l’accès à des dispositifs complémentaires comme l’ACRE ou l’ARCE.
À noter également que France Travail exerce une vérification postérieure à l’ouverture des droits pour s’assurer que le projet est effectivement mis en œuvre. Le simple fait d’avoir un projet théorique ne suffit pas.
Les conditions d’accès sont particulièrement encadrées. Pour être éligible, le salarié doit :
La démission ne peut intervenir qu’après l’obtention de l’attestation de caractère réel et sérieux. Si la démission est donnée trop tôt, l’ensemble du dispositif s’effondre et l’indemnisation est refusée sans possibilité de régularisation ultérieure.
La CPIR – Transitions Pro agit comme organe d’évaluation indépendante. Une fois le dossier envoyé (idéalement en recommandé avec AR), la commission dispose de 2 mois pour statuer.
Elle apprécie notamment :
Le dispositif n’a pas vocation à financer des projets improvisés ou incomplets. Plus le dossier est argumenté, plus la probabilité d’obtenir la validation augmente.
En cas de refus, un recours gracieux peut être exercé dans les deux mois, avec production d’éléments complémentaires démontrant l’évolution ou le renforcement du projet.
Trois aides majeures structurent l’accompagnement des créateurs d’entreprise :
Elle permet une exonération partielle de cotisations sociales pendant 12 mois. Les micro-entrepreneurs doivent en faire la demande auprès de l’Urssaf ; pour les sociétés (SASU, EURL, SARL…), l’exonération est automatique lors de l’immatriculation. Elle ne peut être obtenue qu’une fois tous les trois ans et ne s’applique pas en cas de création hors du territoire français.
L’ARCE consiste en un versement en capital d’une partie de l’ARE. Les conditions sont strictes :
L’ARCE est versée en deux temps : une première fraction lors de la création, une seconde six mois plus tard sous condition de continuité de l’activité entrepreneuriale.
Les Régions ont la compétence pour proposer un accompagnement :
Les conditions varient selon les territoires, ce qui nécessite de vérifier les dispositifs en vigueur dans sa région.
Le dispositif n’est pas seulement déclaratif. France Travail exerce un contrôle dans les six mois suivant l’ouverture des droits.
Le salarié doit démontrer :
Si le salarié n’est pas en mesure de fournir des preuves tangibles, il peut être :
Il s’agit donc d’un dispositif sérieux destiné à financer de véritables projets entrepreneuriaux, non un moyen d’accéder à l’indemnisation sans intention d’agir.