Travail

Créer une entreprise après une démission : ouvrir ses droits à l’assurance chômage

Francois Hagege
Fondateur
Partager

Entreprendre après un CDI : démission, ARE, ACRE et ARCE expliqués

La volonté de créer ou reprendre une entreprise constitue désormais l’un des motifs les plus fréquents de reconversion professionnelle en France. Chaque année, plusieurs milliers de salariés souhaitent quitter leur emploi salarié pour se lancer dans une activité indépendante ou entrepreneuriale. Pourtant, cette transition soulève une question juridique majeure : comment démissionner tout en préservant ses droits à l’assurance chômage, afin de disposer d’un filet de sécurité lors du lancement de son activité ?

Le cadre légal issu de la réforme de l’assurance chômage, notamment la convention du 15 novembre 2024, a profondément modifié les conditions d’accès aux allocations en cas de démission. Contrairement à ce que prévoit le principe traditionnel posé par l’article 2 §2 du règlement général annexé à la convention de 2024, selon lequel l’ARE est réservée aux ruptures involontaires du contrat de travail, certaines démissions ouvrent désormais droit à indemnisation lorsqu’elles s’inscrivent dans un projet professionnel réel, sérieux et accompagné.

Ainsi, un salarié en CDI qui souhaite entreprendre n’est plus condamné à renoncer à ses droits. Il peut, sous conditions strictes, solliciter l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) après validation de son projet entrepreneurial par la Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (CPIR – Transitions Pro). Cette possibilité repose sur un ensemble de démarches obligatoires — élaboration d’un dossier, demande de Conseil en évolution professionnelle, dépôt auprès de Transitions Pro, inscription à France Travail — dont le non-respect peut entraîner un refus définitif d’indemnisation.

L’objectif de ce guide proposé par defendstesdroits.fr est d’offrir aux justiciables une synthèse juridique complète, accessible et conforme aux exigences légales et réglementaires. Il expose avec précision chaque étape de la procédure, les textes de référence applicables, les droits financiers mobilisables (ARE, ACRE, ARCE), ainsi que les risques encourus en cas d’erreur ou d’anticipation excessive. À travers une analyse structurée et actualisée, ce contenu accompagne les salariés désireux de sécuriser leur reconversion, depuis la préparation du projet jusqu’à son déploiement concret.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Comprendre la démission pour création d’entreprise
  3. Étape 1 : Conditions d’éligibilité à l’ARE
  4. Étape 2 : Demande de Conseil en évolution professionnelle (CEP)
  5. Étape 3 : Constitution du dossier avec le conseiller CEP
  6. Étape 4 : Transmission du dossier à Transitions Pro (CPIR)
  7. Étape 5 : Décision de la CPIR et validation du projet
  8. Étape 6 : Démission après validation du projet
  9. Étape 7 : Inscription à France Travail pour ouvrir les droits
  10. Étape 8 : Mise en œuvre du projet entrepreneurial
  11. Les aides mobilisables (ACRE, ARCE, dispositifs régionaux)
  12. Conclusion

Démission dans le cadre d’un projet entrepreneurial : un droit encadré

En principe, l’ARE n’est ouverte qu’aux salariés privés involontairement d’emploi, conformément à l’article 2 §2 du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024.
Cependant, une démission peut ouvrir droit au chômage lorsqu’elle intervient dans le cadre :

  • d’un projet de création ou de reprise d’entreprise,
  • ou d’une reconversion nécessitant une formation.

Ce dispositif, prévu depuis le 1er novembre 2019, demeure applicable sous réserve du respect strict des étapes imposées par le législateur et France Travail.

Étape 1 : Vérifier l’éligibilité au dispositif

Conditions cumulatives pour ouvrir des droits à l’ARE

Selon l’article 4 du règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024, le salarié doit :

  • être lié par un contrat à durée indéterminée (CDI) au moment de la démission,
  • justifier d’au moins 1 300 jours travaillés sur les 60 mois précédant la rupture.

Ces conditions doivent être réunies avant toute démarche. Le salarié doit également disposer d’un début de projet entrepreneurial formulé dans ses grandes lignes, même s’il n’est pas encore finalisé.

Étape 2 : Demander un Conseil en Évolution Professionnelle (CEP)

Le CEP, prévu par le Code du travail, constitue une étape obligatoire et gratuite. Il permet d’évaluer la faisabilité du projet et de s’assurer que la démarche de reconversion est structurée.

Organismes compétents pour délivrer le CEP

  • APEC : pour les cadres,
  • Cap emploi : pour les personnes en situation de handicap,
  • Opérateurs régionaux labellisés par France compétences.

Il est vivement recommandé de conserver toute preuve de la demande de CEP, preuve qui permettra ultérieurement de démontrer que la démission n’a pas précédé l’accompagnement professionnel.

Important : à ce stade, la démission est prématurée. Une démission intervenue avant la demande de CEP ne permet pas d’ouvrir de droits à l’ARE dans ce cadre spécifique.

Étape 3 : Élaboration du dossier avec le conseiller CEP

Le salarié doit constituer un dossier démontrant la réalité et le caractère sérieux de son projet.
Le contenu de cette demande est défini par l’arrêté du 23 octobre 2019, annexe 2 pour les projets entrepreneuriaux et annexe 1 pour les projets de formation.

Le dossier comprend :

  • Un formulaire de demande d’attestation du caractère réel et sérieux, rempli par le salarié,
  • Un volet CEP, complété et cosigné par le conseiller CEP, comprenant notamment :
    • une analyse du marché,
    • une étude des besoins financiers,
    • une évaluation des risques,
    • les démarches déjà effectuées,
  • Un volet réservé à la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR).

Ce document vise à démontrer que le projet est suffisamment structuré pour justifier une reconversion professionnelle financée par l’assurance chômage.

Étape 4 : Transmission du dossier à « Transitions Pro »

La CPIR (Transitions Pro), compétente en matière de reconversion professionnelle, reçoit et évalue les demandes. L’envoi doit être réalisé :

  • par courrier recommandé avec accusé de réception,
  • auprès de la CPIR du lieu de résidence ou du lieu de travail,
    conformément à l’article R5422-2-1 du Code du travail.

L’accusé de réception constitue une preuve essentielle en cas de contestation.

Étape 5 : Attendre la décision de la CPIR

Délai d’instruction

La CPIR dispose de 2 mois pour statuer :

  • validation du caractère réel et sérieux,
  • ou refus motivé.

En cas de refus, un recours gracieux est possible dans un délai identique de 2 mois, selon la procédure indiquée dans la notification.

Aucune démission ne doit intervenir avant la validation, sauf à prendre le risque d’un refus définitif d’indemnisation, même en cas de projet entrepreneurial bien avancé.

Étape 6 : La démission après validation du projet

La démission ne peut intervenir qu’une fois obtenue l’attestation de Transitions Pro.
Bien qu'il soit légalement possible de démissionner après envoi du dossier, cette pratique expose le salarié au refus d’ARE si la commission ne valide pas le projet.

Après démission, le salarié effectue son préavis dans les conditions prévues par le droit commun ou par la convention collective applicable à son secteur.

Étape 7 : Inscription à France Travail pour activer les droits

L’inscription sur les listes des demandeurs d’emploi est une condition essentielle pour percevoir l’ARE. Elle doit intervenir :

  • dans les 6 mois suivant la validation du projet,
  • directement via l’espace candidat France Travail.

Une fois inscrit, le projet est intégré dans le contrat d’engagement, anciennement projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE). L’ARE est versée si les conditions d’ouverture de droits sont remplies.

Étape 8 : Mise en œuvre du projet entrepreneurial

Dans les 6 mois qui suivent l’ouverture des droits, France Travail vérifie que le salarié :

  • réalise effectivement les démarches nécessaires à la création ou à la reprise d’entreprise,
  • peut en justifier matériellement (statuts, démarches administratives, immatriculation, business plan, etc.).

L’absence de mise en œuvre entraîne une radiation et une suspension de l’allocation pendant 4 mois.

Les aides à la création d’entreprise après démission

L’ACRE : aide à la création ou à la reprise d’entreprise

L’ACRE, prévue par le Code de la sécurité sociale, offre :

  • une exonération partielle de cotisations sociales,
  • pendant une durée maximale de 12 mois,
  • pour les créateurs et repreneurs d’entreprise.

Elle doit être demandée auprès de l’URSSAF, de préférence en début de trimestre civil.
Elle n’est pas disponible en cas de création d’entreprise à l’étranger et ne peut être attribuée si elle a été obtenue dans les trois années précédentes.

L’ARCE : aide à la reprise ou à la création d’entreprise

À ne pas confondre avec l’ACRE, l’ARCE est un capital versé par France Travail, financé par les droits restants à l’ARE, conformément :

  • à l’article R5422-2-3 du Code du travail,
  • aux articles 32 bis et 35 du règlement général de 2024.
Conditions de versement de l’ARCE :
  • avoir obtenu l’ACRE,
  • avoir validé un projet entrepreneurial auprès de la CPIR.

Depuis le 1er avril 2025, le second versement est soumis à une condition nouvelle :
ne pas exercer une activité salariée en CDI à temps plein au moment de la demande de seconde fraction.

NACRE et dispositifs régionaux

Le NACRE a été transféré aux Régions depuis 2017. Les Régions proposent désormais leurs propres dispositifs :

  • accompagnement à la création,
  • structuration financière,
  • suivi post-création.

Les conditions varient selon les territoires et doivent être consultées localement.

Conclusion

La démission pour création ou reprise d’entreprise n’est plus un saut dans l’inconnu. Le droit positif permet désormais d’articuler rupture du contrat de travail et indemnisation par l’assurance chômage, à condition de respecter rigoureusement les étapes prévues par le Code du travail et par la convention d’assurance chômage du 15 novembre 2024. La procédure conçue par le législateur repose sur une logique de sécurisation : accompagner le salarié dans la définition de son projet, contrôler son sérieux, garantir la cohérence entre reconversion professionnelle et versement de fonds publics.

L’attestation du caractère réel et sérieux, délivrée par la CPIR après un examen approfondi du dossier, demeure la clé de voûte du dispositif. Elle conditionne l’accès aux allocations chômage (ARE) et ouvre également la voie à des aides complémentaires telles que l’ACRE ou l’ARCE, encadrées respectivement par le Code du travail et par les textes de sécurité sociale. La mise en œuvre effective du projet au cours des mois suivant l’ouverture des droits représente également une obligation légale, sous peine de radiation et de suspension des indemnités.

Pour les salariés aspirant à une nouvelle autonomie professionnelle, connaître et respecter cette procédure constitue une garantie indispensable pour préserver leur sécurité financière tout en préparant sereinement leur installation entrepreneuriale. Les juristes de defendstesdroits.fr rappellent que chaque situation mérite une analyse individualisée, particulièrement en présence d’éléments liés au contrat de travail, à la durée d’activité, au calendrier des démarches ou au choix du statut juridique de la future entreprise.

FAQ

1. Peut-on réellement percevoir le chômage après une démission pour créer son entreprise ?

Oui, cela est désormais possible grâce au dispositif issu de la réforme de l’assurance chômage et des règles fixées par le règlement général annexé à la convention du 15 novembre 2024. Traditionnellement, l’ARE n’était accessible qu’en cas de perte d’emploi involontaire. Cependant, le législateur a instauré une exception pour les salariés démissionnaires porteurs d’un projet professionnel réel et sérieux.

Pour bénéficier de ce droit, la procédure doit être strictement respectée : demande de Conseil en Évolution Professionnelle (CEP), constitution d’un dossier complet, évaluation du projet par la Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (Transitions Pro), puis démission uniquement après la validation. Cette validation conditionne non seulement le versement de l’ARE mais aussi l’accès à des dispositifs complémentaires comme l’ACRE ou l’ARCE.

À noter également que France Travail exerce une vérification postérieure à l’ouverture des droits pour s’assurer que le projet est effectivement mis en œuvre. Le simple fait d’avoir un projet théorique ne suffit pas.

2. Quelles conditions précises doit remplir un salarié en CDI pour toucher l’ARE après sa démission ?

Les conditions d’accès sont particulièrement encadrées. Pour être éligible, le salarié doit :

  • être en CDI au moment de sa démission ;
  • justifier de 1 300 jours travaillés sur les 60 mois précédant la rupture, conformément à l’article 4 du règlement général de 2024 ;
  • démontrer qu’il poursuit un projet structuré et cohérent ;
  • solliciter un CEP, étape obligatoire prévue par le Code du travail ;
  • constituer un dossier complet répondant aux exigences de l’arrêté du 23 octobre 2019, incluant études de marché, besoins financiers, risques, démarches déjà réalisées.

La démission ne peut intervenir qu’après l’obtention de l’attestation de caractère réel et sérieux. Si la démission est donnée trop tôt, l’ensemble du dispositif s’effondre et l’indemnisation est refusée sans possibilité de régularisation ultérieure.

3. Comment se déroule l’examen du projet professionnel par Transitions Pro ?

La CPIR – Transitions Pro agit comme organe d’évaluation indépendante. Une fois le dossier envoyé (idéalement en recommandé avec AR), la commission dispose de 2 mois pour statuer.

Elle apprécie notamment :

  • la cohérence du projet avec le parcours professionnel du salarié ;
  • la viabilité économique, via une étude de marché argumentée ;
  • les besoins financiers et le réalisme des projections ;
  • les recherches de financement déjà engagées ;
  • la faisabilité juridique (statut envisagé, contraintes réglementaires éventuelles) ;
  • l’implication personnelle du salarié dans la préparation du projet.

Le dispositif n’a pas vocation à financer des projets improvisés ou incomplets. Plus le dossier est argumenté, plus la probabilité d’obtenir la validation augmente.

En cas de refus, un recours gracieux peut être exercé dans les deux mois, avec production d’éléments complémentaires démontrant l’évolution ou le renforcement du projet.

4. Quelles sont les aides financières accessibles après une démission pour entreprendre ?

Trois aides majeures structurent l’accompagnement des créateurs d’entreprise :

L’ACRE

Elle permet une exonération partielle de cotisations sociales pendant 12 mois. Les micro-entrepreneurs doivent en faire la demande auprès de l’Urssaf ; pour les sociétés (SASU, EURL, SARL…), l’exonération est automatique lors de l’immatriculation. Elle ne peut être obtenue qu’une fois tous les trois ans et ne s’applique pas en cas de création hors du territoire français.

L’ARCE

L’ARCE consiste en un versement en capital d’une partie de l’ARE. Les conditions sont strictes :

  • obtenir l’ACRE ;
  • s’immatriculer ;
  • ne pas occuper un CDI à temps plein au moment du second versement (nouvelle règle issue de la convention du 15 novembre 2024, applicable depuis le 1er avril 2025).

L’ARCE est versée en deux temps : une première fraction lors de la création, une seconde six mois plus tard sous condition de continuité de l’activité entrepreneuriale.

Les dispositifs régionaux (ex-NACRE)

Les Régions ont la compétence pour proposer un accompagnement :

  • montage financier,
  • structuration juridique,
  • accompagnement post-création.

Les conditions varient selon les territoires, ce qui nécessite de vérifier les dispositifs en vigueur dans sa région.

5. Que risque un salarié qui ne met pas en œuvre son projet d’entreprise après l’ouverture de ses droits au chômage ?

Le dispositif n’est pas seulement déclaratif. France Travail exerce un contrôle dans les six mois suivant l’ouverture des droits.
Le salarié doit démontrer :

  • qu’il a entamé les démarches administratives nécessaires (statuts, immatriculation, démarches fiscales ou sociales) ;
  • qu’il poursuit un véritable travail de structuration : business plan, recherche de financement, études de marché ;
  • qu’il est effectivement engagé dans son projet professionnel.

Si le salarié n’est pas en mesure de fournir des preuves tangibles, il peut être :

  • radié de la liste des demandeurs d’emploi,
  • suspendu de l’ARE pendant quatre mois,
  • contraint de reprendre la procédure depuis le début en cas de nouvelle démission ultérieure.

Il s’agit donc d’un dispositif sérieux destiné à financer de véritables projets entrepreneuriaux, non un moyen d’accéder à l’indemnisation sans intention d’agir.

Articles Récents

Besoin d'aide ?

Nos équipes sont là pour vous guider !

Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.