La réforme des retraites, entrée en vigueur à partir du 1er septembre 2023, représente l’un des bouleversements sociaux les plus marquants de ces dernières années. Au-delà du débat public qu’elle a suscité, cette réforme a profondément modifié le cadre juridique applicable aux employeurs et à la gestion des ressources humaines en entreprise.
Ses effets ne se limitent pas à un simple report de l’âge légal de départ à 64 ans : ils touchent également à la structure des contributions sociales, à la prévention de l’usure professionnelle, à la valorisation de l’emploi des seniors, ainsi qu’aux mécanismes de rupture du contrat de travail.
Pour les entreprises françaises, il ne s’agit pas d’une réforme passive mais d’un véritable tournant stratégique. Désormais, chaque décision relative à la gestion du personnel — qu’il s’agisse d’une rupture conventionnelle, d’un départ à la retraite, ou d’un aménagement de poste — doit s’inscrire dans un cadre plus exigeant, plus équitable, mais aussi plus coûteux.
L’instauration d’une contribution unique de 30 % sur les indemnités de rupture, la refonte du compte professionnel de prévention (C2P), la création d’un congé de reconversion ou encore l’assouplissement du cumul emploi-retraite traduisent une volonté politique claire : favoriser la rétention des seniors dans l’emploi et protéger les salariés exposés à des risques professionnels.
Cependant, cette évolution n’est pas sans conséquences pour les employeurs. Entre hausse du coût des départs, complexification des obligations sociales et adaptation des politiques RH, les entreprises doivent réévaluer leur stratégie à moyen terme.
La gestion des carrières, la prévention des risques et la politique salariale deviennent des leviers incontournables pour faire face à cette réforme tout en garantissant la conformité avec les nouvelles obligations légales.
Ainsi, comprendre les implications de la réforme des retraites n’est plus une simple démarche de veille juridique : c’est une nécessité organisationnelle. À travers cet article, defendstesdroits.fr revient en détail sur les principales mesures impactant directement les employeurs, leurs charges sociales, la santé de leurs salariés et leur gestion des fins de carrière.
Jusqu’en 2023, les entreprises bénéficiaient d’une différence notable entre le coût social d’une rupture conventionnelle et celui d’une mise à la retraite.
Pour limiter l’usage stratégique de la rupture conventionnelle comme moyen de contourner les obligations plus onéreuses liées au départ en retraite, la réforme a instauré une contribution unique de 30 % au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) (article L137-12 du Code de la sécurité sociale).
Cette contribution remplace :
Objectif : uniformiser les charges sociales et dissuader les entreprises d’utiliser les ruptures conventionnelles à la place des départs à la retraite, tout en encourageant le maintien des seniors dans l’emploi.
La réforme a également renforcé la prévention de l’usure professionnelle, afin de réduire les départs anticipés pour raisons de santé.
Ce volet s’articule autour de trois leviers essentiels : le compte professionnel de prévention (C2P), le droit à la reconversion et la création d’un fonds d’investissement dédié.
Désormais, chaque période d’exposition de 3 mois à un facteur de risque professionnel donne lieu à un nombre de points équivalent au nombre de risques subis (article L4163-9 du Code du travail).
Ces points permettent au salarié :
Depuis le 16 avril 2023, les titulaires d’un C2P peuvent utiliser leurs points pour financer un projet de reconversion, incluant les frais pédagogiques et la rémunération pendant le congé de formation (articles L4163-8-4 et L4163-8-5 du Code du travail).
Ce dispositif vise à favoriser les mobilités professionnelles et à éviter la désinsertion liée à l’usure physique.
Créé en parallèle (article L221-1-5 du Code de la sécurité sociale), ce fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle soutient les entreprises dans la mise en œuvre de politiques de prévention, de formation et d’adaptation des postes de travail.
Le report progressif de l’âge de départ à 64 ans, entériné par les décrets n°2023-435 et n°2023-436 du 3 juin 2023, impacte directement la gestion des carrières en entreprise.
Les salariés nés à partir du 1er septembre 1961 sont les premiers concernés, avec une application échelonnée jusqu’aux générations 1968-1969.
D’ici 2027, il faudra 43 années de cotisations (172 trimestres) pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Ce rallongement implique pour les entreprises :
Certaines catégories de salariés conservent un droit à un départ anticipé, sous conditions précises.
Les assurés ayant commencé à travailler tôt peuvent toujours partir avant 64 ans :
Ces seuils, fixés par décret, permettent de tenir compte de la pénibilité des carrières précoces.
Les salariés reconnus handicapés ou inaptes peuvent bénéficier d’un départ à partir de 55 ou 62 ans, selon leur taux d’incapacité (articles L351-1-3 et D161-2-1-9 du Code de la sécurité sociale).
La réforme a assoupli les conditions pour inclure davantage d’assurés dans ce dispositif.
La réforme introduit plusieurs mesures pour favoriser le maintien dans l’emploi des seniors et rendre la transition retraite plus flexible.
Ce dispositif permet à un salarié de réduire son temps de travail tout en percevant une fraction de sa pension.
L’employeur doit désormais motiver tout refus dans un délai de deux mois (article L3123-4-1 du Code du travail).
Les fonctionnaires et professions libérales peuvent également y prétendre, rendant la mesure universelle.
Depuis le 1er septembre 2023, le salarié retraité qui reprend une activité peut générer de nouveaux droits à pension (décret n°2023-751 du 10 août 2023).
Ce cumul intégral dynamise la reprise d’emploi et valorise l’expérience des seniors.
Le gouvernement a annoncé une possible suspension de la réforme dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2026).
Cette suspension pourrait modifier :
Toutefois, tant que les textes d’application ne sont pas publiés, les dispositions actuelles demeurent en vigueur. Les entreprises doivent donc maintenir leurs pratiques conformes au droit en vigueur.
Plus de deux ans après son entrée en vigueur, la réforme des retraites a redéfini la relation entre l’entreprise et ses salariés en fin de carrière. Si elle vise à renforcer l’équilibre financier du système et à maintenir les seniors dans la vie active, elle a surtout obligé les employeurs à repenser leurs pratiques internes.
L’harmonisation du régime social des indemnités, la modernisation du compte professionnel de prévention, et la généralisation de la retraite progressive imposent aux entreprises une approche proactive et socialement responsable.
Désormais, chaque entreprise doit conjuguer performance économique et bien-être au travail. Le vieillissement de la population active implique d’anticiper les risques liés à la pénibilité, d’adapter les conditions de travail et d’accompagner les transitions professionnelles.
Les directions des ressources humaines doivent s’emparer de ces enjeux pour bâtir une politique pérenne, équilibrée entre souplesse organisationnelle et sécurité juridique.
Par ailleurs, les perspectives pour 2026 et 2027, marquées par une possible suspension de la réforme, laissent planer une incertitude législative. Mais en l’absence de texte abrogeant les dispositions actuelles, les entreprises restent tenues d’appliquer strictement la législation issue de la loi du 14 avril 2023 et de ses décrets d’application.
Cette réforme, bien que contraignante, peut se transformer en levier d’innovation sociale. En s’appuyant sur le dialogue social, la formation continue et l’aménagement des fins de carrière, les employeurs ont la possibilité de renforcer l’attractivité de leur structure tout en contribuant à un système de retraite plus durable.
C’est dans cette perspective que defendstesdroits.fr accompagne les entreprises et les salariés pour décrypter le droit du travail, sécuriser les pratiques et favoriser une gestion humaine et conforme des transitions professionnelles.
La réforme modifie en profondeur la gestion sociale et financière des entreprises.
D’une part, elle unifie les contributions sociales liées aux départs de salariés : la rupture conventionnelle et la mise à la retraite sont désormais soumises à une contribution unique de 30 % (article L137-12 du Code de la sécurité sociale).
D’autre part, le report de l’âge légal à 64 ans implique de prolonger les carrières et de repenser la politique RH : gestion des postes, santé au travail, prévention de la pénibilité et adaptation des contrats seniors deviennent des priorités stratégiques.
Les entreprises doivent se conformer à plusieurs dispositions nouvelles, parmi lesquelles :
Chaque employeur doit ajuster ses procédures internes pour rester en conformité.
La réforme renforce les obligations de prévention à travers la modernisation du C2P et la création d’un fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle (article L221-1-5 du Code de la sécurité sociale).
Les employeurs doivent désormais :
Le non-respect de ces obligations pourrait engager la responsabilité de l’entreprise en cas de manquement à la sécurité au travail (article L4121-1 du Code du travail).
La réforme encourage le prolongement des carrières par des dispositifs plus flexibles :
Ces mesures visent à éviter l’exclusion des salariés âgés et à valoriser leur expérience dans l’entreprise.
Une suspension partielle de la réforme est envisagée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (PLFSS 2026).
Si elle est adoptée, elle pourrait :
En attendant la publication des textes d’application, les dispositions actuelles restent applicables. Les entreprises doivent donc continuer à respecter la législation en vigueur tout en anticipant les ajustements possibles.