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Intervenants financiers : qui fait quoi entre expert-comptable et CAC ?

Estelle Marant
Collaboratrice
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Expert-comptable ou commissaire aux comptes : comment les différencier ?

Dans la vie d’une entreprise, la gestion financière et la conformité comptable sont indissociables d’un suivi professionnel rigoureux. Deux acteurs majeurs interviennent dans ce domaine : l’expert-comptable et le commissaire aux comptes. Leur champ d’action peut sembler similaire, puisqu’ils travaillent autour des mêmes documents comptables, mais leurs missions répondent à des logiques juridiques distinctes.

L’un assiste et conseille le chef d’entreprise dans la tenue et l’organisation de sa comptabilité ; l’autre exerce un contrôle légal indépendant destiné à protéger les associés, les tiers et l’ordre public économique.

Leur intervention est strictement encadrée par le Code de commerce, qui impose à ces professions réglementées des conditions d’exercice exigeantes en matière de compétence, d’indépendance et de secret professionnel. Pour comprendre le rôle de chacun, il est indispensable d’examiner leurs missions, leur régime juridique et les situations dans lesquelles leur désignation devient obligatoire.

defendstesdroits.fr vous propose une analyse approfondie et actualisée permettant de distinguer clairement les attributions, obligations et responsabilités de ces deux professionnels.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Professions réglementées : conditions et obligations
  3. Missions du commissaire aux comptes
  4. Missions de l’expert-comptable
  5. Nomination obligatoire : seuils et entreprises concernées
  6. Durée des missions
  7. Distinctions essentielles entre les deux professions
  8. Conclusion

Des professions réglementées : quelles conditions pour exercer ?

Un statut protégé par la loi

Les métiers d’expert-comptable et de commissaire aux comptes appartiennent à deux professions réglementées, encadrées par :

  • l’Ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 pour les experts-comptables ;
  • les articles L821-1 et suivants du Code de commerce pour les commissaires aux comptes.

Pour exercer légalement, chacun doit être inscrit :

  • au Conseil national de l’ordre des experts-comptables (CNOEC) pour les experts-comptables ;
  • à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) pour les CAC.

Ces inscriptions attestent :

  • de la qualification professionnelle,
  • du respect d’un code de déontologie,
  • et de l’obligation d’indépendance.

Secret professionnel et responsabilité

Les deux professionnels sont soumis au secret professionnel, dont la violation constitue une infraction susceptible d’engager leur responsabilité civile, disciplinaire ou pénale (articles 21 de l’Ordonnance de 1945 et L821-35 du Code de commerce).

Les missions du commissaire aux comptes

La certification légale des comptes

Le commissaire aux comptes exerce une mission d’intérêt général, définie par l’article L821-53 du Code de commerce.
Il doit :

  • vérifier la régularité, la sincérité et l’image fidèle des comptes annuels ;
  • contrôler le respect des règles comptables applicables ;
  • alerter les associés, actionnaires ou tiers en cas d’anomalie grave ;
  • émettre un rapport de certification, avec ou sans réserves.

Cette mission repose sur un audit rigoureux et indépendant.

Contrôle du dispositif de contrôle interne

Le CAC évalue les procédures permettant de prévenir :

  • les erreurs comptables,
  • les anomalies significatives,
  • les risques de fraude.

Il peut demander toute information utile et disposer d’un pouvoir d’investigation élargi, sous réserve du respect de son impartialité.

Prévention des irrégularités et fraude

En vertu de l’article L823-12, le CAC doit signaler les faits délictueux dont il a connaissance, notamment en matière de :

  • faux bilan,
  • détournements,
  • irrégularités significatives.

Interdiction de toute immixtion dans la gestion

L’article L821-54 du Code de commerce interdit strictement au CAC :

  • de prendre part à la gestion,
  • de donner des conseils stratégiques,
  • ou de fournir des prestations pouvant compromettre son indépendance.

Sa mission est un contrôle, non un accompagnement.

Nouvelles missions liées à la durabilité

Depuis le 1er janvier 2024, conformément à l’Ordonnance n°2023-1142, les CAC peuvent également certifier certaines informations de durabilité (ESG).
Ils vérifient notamment :

  • l’impact de l’activité de l’entreprise sur les enjeux environnementaux et sociaux ;
  • l’impact de ces enjeux sur la pérennité de l’entreprise.

Le calendrier d’application dépend des seuils européens et des catégories d’entreprises concernées.

Les missions de l’expert-comptable

Tenue, surveillance et analyse comptable

L’expert-comptable assure une mission d’accompagnement global du dirigeant. Il peut :

  • tenir la comptabilité,
  • effectuer les révisions périodiques,
  • préparer les comptes annuels,
  • identifier les incohérences et anticiper les risques.

Il joue un rôle clé dans la fiabilité des données financières transmises à l’administration fiscale ou aux partenaires économiques.

Déclarations fiscales et obligations légales

L’expert-comptable prépare :

  • les déclarations de TVA,
  • les liasses fiscales,
  • les déclarations IS ou IR (BIC, BNC),
  • les annexes comptables.

Sa mission consiste à garantir la conformité des démarches, le respect des échéances et la réduction du risque de contrôle fiscal.

Conseil en gestion et organisation

Il intervient dans :

  • la construction de budgets prévisionnels,
  • la politique de coûts,
  • la stratégie de financement,
  • l’aide à la décision,
  • la prévention des difficultés.

L’article 2 de l’Ordonnance de 1945 consacre la dimension de conseil comme partie intégrante de ses compétences.

Gestion sociale et paie

L’expert-comptable peut établir :

  • les bulletins de paie,
  • les déclarations sociales,
  • la conformité du droit du travail appliqué à l’entreprise.

Accompagnement à la création, reprise ou transmission

Il participe à :

  • l’analyse de faisabilité,
  • la rédaction des prévisions,
  • la recherche d’aides financières,
  • l’optimisation du statut juridique et fiscal.

Nomination obligatoire : dans quels cas ?

Commissaire aux comptes : un mandat parfois imposé par la loi

La désignation d’un CAC est obligatoire pour certaines sociétés lorsque deux des trois seuils suivants sont dépassés (articles L225-218, L227-9-1, L223-35, L221-9 du Code de commerce) :

  • total de bilan ≥ 5 000 000 €,
  • chiffre d’affaires ≥ 10 000 000 €,
  • effectif ≥ 50 salariés.

Sont également obligatoirement concernés :

  • les entités d’intérêt public (EIP),
  • les SA,
  • certaines SAS,
  • certaines SARL et SNC, selon les seuils.

Expert-comptable : une désignation facultative

La loi n’impose jamais la nomination d’un expert-comptable.
Toutefois, l’externalisation de la comptabilité permet de :

  • sécuriser les obligations légales,
  • éviter les erreurs fiscales,
  • anticiper les difficultés financières.

Durée des missions

Durée du mandat du commissaire aux comptes

Le CAC est nommé :

  • pour 6 exercices en cas de nomination obligatoire (article L823-44),
  • pour 3 exercices en cas de nomination volontaire (article L821-46).

Il s’agit d’un mandat légal, à durée fixe, qui ne peut être interrompu qu’en cas de révocation judiciaire.

Durée de la mission de l’expert-comptable

L’expert-comptable est lié à l’entreprise par un contrat de mission, renouvelé librement.
Sa relation est continue tant que l’entreprise souhaite maintenir cet accompagnement.

Conclusion

La distinction entre l’expert-comptable et le commissaire aux comptes revêt une importance majeure dans la gouvernance et la sécurité financière des entreprises, tant leurs missions répondent à des objectifs différents, complémentaires et encadrés par un arsenal juridique particulièrement structuré. L’expert-comptable accompagne l’entreprise dans son développement quotidien, sécurise la tenue de sa comptabilité, optimise ses obligations fiscales et sociales, et contribue à la construction d’une stratégie financière cohérente. Le commissaire aux comptes, à l’inverse, occupe une fonction de contrôle légal, indépendante, destinée à certifier que l’information financière communiquée aux associés, partenaires et tiers présente une image conforme à la réalité économique de l’entreprise.

Cette dualité des rôles est le résultat d’une volonté du législateur de protéger l’ordre public économique, d’assurer la transparence financière et de prévenir les fraudes. L’encadrement strict imposé par le Code de commerce, qu’il s’agisse de la mission de certification (articles L821-53 et suivants), des conditions de nomination (articles L225-218, L227-9-1, L223-35) ou de la responsabilité encourue en cas de manquement, témoigne de cette importance. Le commissaire aux comptes n’intervient jamais en tant que conseiller ; il agit en tant que contrôleur indépendant, à l’écart de toute immixtion dans la gestion, garantissant ainsi la fiabilité des comptes et l’intégrité de l’information financière.

De son côté, l’expert-comptable agit dans une logique d’accompagnement et de conseil permanent. Son expertise s’étend de la tenue de la comptabilité à l’audit contractuel, en passant par la fiscalité, la gestion des paies ou encore la création d’entreprise. Sa mission, définie par l’Ordonnance du 19 septembre 1945, répond aux besoins opérationnels du dirigeant et constitue un soutien indispensable à la maîtrise des obligations légales et financières. Sa présence permet également d’anticiper les difficultés économiques et d’assurer une gestion rigoureuse, nécessaire à la compétitivité de l’entreprise.

La montée en puissance des obligations liées à la durabilité, introduites par l’Ordonnance n°2023-1142, renforce encore la distinction entre ces deux professions : l’expert-comptable peut accompagner l’entreprise dans la collecte et la présentation des informations ESG, tandis que le commissaire aux comptes peut être chargé d’en certifier la conformité. Cette nouvelle articulation entre expertise et contrôle témoigne d’une évolution des métiers comptables vers une plus grande exigence de transparence et de responsabilité.

Comprendre les différences entre ces deux acteurs permet ainsi au chef d’entreprise, au dirigeant d’association ou au partenaire financier de mieux identifier les obligations légales qui s’imposent à lui, d’évaluer les enjeux de conformité et de choisir les interventions adaptées à sa structure. Il ne s’agit pas d’opposer deux professions, mais de comprendre leur complémentarité : l’expert-comptable accompagne, sécurise et conseille ; le commissaire aux comptes contrôle, certifie et protège l’intérêt collectif.

Cette distinction, loin d’être purement théorique, conditionne le bon fonctionnement des entreprises et la confiance économique, deux piliers indispensables à la stabilité du tissu entrepreneurial. Elle donne également aux justiciables les moyens d’exercer leur vigilance et de comprendre les responsabilités respectives de chaque professionnel intervenant dans la vie financière de leur structure.

FAQ

1. Quelles sont les principales différences entre un expert-comptable et un commissaire aux comptes ?

L’expert-comptable intervient pour tenir, réviser et organiser la comptabilité, accompagner la gestion financière et établir les déclarations fiscales. Son rôle est avant tout contractuel et orienté vers le conseil opérationnel.
Le commissaire aux comptes exerce, quant à lui, une mission légale de certification prévue par les articles L821-1 et suivants du Code de commerce. Il vérifie la régularité, la sincérité et l'image fidèle des comptes, sans jamais participer à la gestion. Ses conclusions engagent sa responsabilité et protègent les associés, salariés, créanciers et tiers.
Ces deux métiers sont complémentaires, mais poursuivent des finalités distinctes : l’un accompagne, l’autre contrôle.

2. Dans quels cas une entreprise doit-elle obligatoirement nommer un commissaire aux comptes ?

La nomination d’un CAC devient obligatoire lorsque deux des trois seuils suivants sont dépassés :
– total de bilan ≥ 5 000 000 €,
– chiffre d’affaires ≥ 10 000 000 €,
– effectif ≥ 50 salariés.
Certaines structures, comme les SA et les entités d’intérêt public, sont soumises à cette obligation quel que soit leur niveau d’activité.
L’expert-comptable, lui, n’est jamais imposé par la loi. Son intervention reste facultative, même si elle est fortement recommandée pour sécuriser la comptabilité.

3. Le commissaire aux comptes peut-il conseiller l’entreprise comme le fait un expert-comptable ?

Non. Contrairement à l’expert-comptable dont la mission inclut le conseil fiscal, social et financier, le CAC doit se conformer à un principe strict d’indépendance.
L’article L821-54 du Code de commerce lui interdit toute immixtion dans la gestion, tout acte de conseil stratégique et toute intervention susceptible d’altérer son impartialité.
Il ne peut donc ni établir la comptabilité, ni participer aux décisions de gestion, ni optimiser la fiscalité de l’entreprise. Son rôle se limite à une analyse objective et un contrôle légal des comptes.

4. Comment s’articulent les missions d’audit réalisées par un expert-comptable et celles d’un commissaire aux comptes ?

L’expert-comptable peut réaliser un audit contractuel, demandé librement par l’entreprise, pour évaluer sa situation financière ou analyser ses processus internes.
Le commissaire aux comptes exécute, lui, un audit légal, encadré par la loi et poursuivant un objectif d’intérêt général.
L’audit contractuel fournit des recommandations internes ; l’audit légal aboutit à une certification officielle, communiquée aux associés, actionnaires et tiers. Les deux types d’audit peuvent se compléter, mais ne se substituent jamais l’un à l’autre.

5. Comment choisir entre un expert-comptable et un commissaire aux comptes selon les besoins de l’entreprise ?

Pour assurer la gestion quotidienne, la conformité fiscale, la préparation des comptes, la paie ou la stratégie financière, l’entreprise doit s’orienter vers un expert-comptable. Son accompagnement est modulable et personnalisé.
En revanche, lorsqu’une entité dépasse certains seuils ou souhaite renforcer sa transparence financière, la nomination d’un commissaire aux comptes s’impose.
Le premier aide à produire l’information financière, le second vérifie de manière indépendante que cette information est fiable et conforme au droit.

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