Pénal

Loyers impayés : quand et comment saisir le Tribunal judiciaire

Estelle Marant
Collaboratrice
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Propriétaires : les étapes judiciaires pour expulser un locataire

En matière de droit locatif, le non-paiement des loyers constitue l’un des motifs les plus fréquents de résiliation du contrat de bail. Toutefois, pour qu’un propriétaire puisse obtenir l’expulsion d’un locataire, il doit impérativement respecter une procédure stricte encadrée par la loi.

Après l’échec d’un commandement de payer resté sans effet, la phase suivante consiste à assigner le locataire devant le Tribunal judiciaire.

Cette étape, réalisée par un huissier de justice, revêt une importance capitale : elle conditionne la validité de toute la procédure et permet au juge de statuer sur la résiliation du bail et l’éventuelle expulsion du locataire. Il convient donc de bien comprendre les modalités, délais et mentions légales qui entourent l’acte d’assignation pour garantir son efficacité juridique.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Le cadre juridique de l’assignation
  3. Les formalités de l’assignation par huissier
  4. L’effet de l’assignation
  5. L’importance de la rigueur procédurale
  6. Conclusion
  7. FAQ

Le cadre juridique de l’assignation

Définition et fondement légal

L’assignation est un acte de procédure par lequel le bailleur fait convoquer le locataire devant la juridiction compétente, généralement le Tribunal judiciaire, en vue de faire constater la résiliation du bail et obtenir une décision d’expulsion. Elle est régie par les articles 55 et suivants du Code de procédure civile.

L’assignation ne peut être délivrée qu’après un délai de deux mois suivant la signification du commandement de payer demeuré infructueux. Ce délai trouve son fondement dans l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui encadre les rapports locatifs.

La compétence du Tribunal judiciaire

Depuis la réforme de la carte judiciaire, la compétence autrefois attribuée au tribunal d’instance est désormais dévolue au Tribunal judiciaire (article R.211-3-13 du Code de l’organisation judiciaire). Celui-ci est compétent pour statuer sur :

  • la résiliation du bail pour non-paiement des loyers ou des charges,
  • la condamnation du locataire au paiement de la dette locative,
  • l’expulsion du locataire.

Les formalités de l’assignation par huissier

Délivrance de l’assignation

L’assignation doit obligatoirement être signifiée par huissier de justice au locataire, mais également à d’autres institutions afin de garantir le respect des droits du locataire.

  • Au locataire : par signification classique à personne ou à domicile (article 655 du Code de procédure civile).
  • Au Préfet : une copie doit être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception, au moins deux mois avant l’audience. Cette formalité, exigée par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, permet à l’administration de déclencher des aides ou mesures de prévention (comme l’intervention du Fonds de Solidarité Logement – FSL).
  • À la CCAPEX (Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives) : en cas de bailleur personne morale, cette saisine est obligatoire au moins deux mois avant l’assignation (article 24 précité).

Mentions obligatoires de l’assignation

L’article 56 du Code de procédure civile prévoit les mentions essentielles devant figurer dans l’acte :

  • La désignation du tribunal compétent ;
  • Les faits et motifs invoqués pour justifier la demande (impayés, clause résolutoire, manquements divers) ;
  • Les modalités de comparution et l’avertissement en cas d’absence du locataire ;
  • Les démarches de résolution amiable entreprises avant l’assignation (injonction, commandement, médiation le cas échéant) ;
  • L’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée (bail, commandement de payer, relevé de dettes, etc.).

En vertu de l’article 648 du même code, l’acte doit également comporter :

  • La date de l’assignation ;
  • Les identités complètes du bailleur (personne physique ou morale) ;
  • Les coordonnées du locataire ;
  • Le nom, signature et qualité de l’huissier de justice.

L’effet de l’assignation

Déclenchement de la procédure contentieuse

L’assignation engage la procédure judiciaire : le Juge des contentieux de la protection, section du Tribunal judiciaire, est saisi pour statuer sur la demande de résiliation du bail et d’expulsion. Deux issues principales sont envisageables :

  • La résiliation automatique du bail si la clause résolutoire est invoquée et les conditions réunies (article L.411-1 du Code des procédures civiles d’exécution) ;
  • L’octroi de délais de paiement au locataire en difficulté, pouvant aller jusqu’à 36 mois selon l’article 1343-5 du Code civil, s’il justifie de sa bonne foi et de perspectives de régularisation.

Droit à l’accompagnement social

La transmission de l’assignation au Préfet, prévue par l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, constitue une étape déterminante pour la mise en œuvre des dispositifs de prévention des expulsions.

Cette formalité obligatoire vise à permettre aux services sociaux départementaux d’identifier rapidement les situations de précarité locative et de mobiliser, si nécessaire, des mesures d’accompagnement adaptées avant même que le juge ne statue.

Le Préfet, une fois informé, peut saisir les organismes compétents, notamment le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL), qui peut proposer diverses aides destinées à éviter l’expulsion :

  • un échelonnement du paiement de la dette locative,
  • une prise en charge partielle ou totale des impayés,
  • un relogement dans un logement plus adapté aux ressources du locataire,
  • ou encore un maintien provisoire dans les lieux, le temps d'une solution durable.

Ce droit à l’accompagnement social illustre l’équilibre recherché par le législateur entre la protection du droit de propriété du bailleur et le respect du droit au logement du locataire.

Il s’agit d’un levier de solidarité publique permettant d’éviter que des ménages déjà en difficulté ne basculent dans une situation d’exclusion sociale aggravée.

Ainsi, cette phase administrative n’est pas un simple formalisme : elle peut profondément infléchir l’issue de la procédure, en apportant une solution alternative, humaine et durable à l’expulsion judiciaire.

L’importance de la rigueur procédurale

Dans le cadre d’une procédure d’expulsion pour loyers impayés, le respect des règles formelles est strictement encadré par le droit. La moindre irrégularité dans la signification de l’assignation peut avoir des conséquences particulièrement lourdes pour le bailleur.

En effet, un défaut de mention obligatoire, un non-respect des délais légaux, ou encore une absence de notification à l’autorité préfectorale ou à la CCAPEX peut entraîner la nullité de l’acte, ce qui a pour effet de retarder considérablement la procédure et, dans certains cas, de faire perdre au bailleur des mois de procédure.

L’assignation doit être parfaitement conforme aux exigences prévues par les articles 55, 56 et 648 du Code de procédure civile.

De plus, l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 impose des obligations spécifiques, notamment en matière de prévention des expulsions locatives, ce qui implique des formalités complémentaires comme la notification à la préfecture et, le cas échéant, la saisine de la CCAPEX.

Dans ce contexte, il est indispensable de s’entourer d’un huissier de justice expérimenté, capable de rédiger et de délivrer l’acte d’assignation en parfaite conformité avec le droit applicable.

Ce professionnel sera en mesure de vérifier l’exhaustivité des mentions, de respecter scrupuleusement les délais légaux, et de réaliser les démarches de notification requises auprès des autorités compétentes. Une telle rigueur permet non seulement de préserver la validité de la procédure, mais aussi de garantir au propriétaire la possibilité d’obtenir rapidement une décision exécutoire d’expulsion.

Conclusion

L’assignation du locataire devant le Tribunal judiciaire, lorsqu’elle est effectuée dans les règles, constitue une étape décisive dans la procédure d’expulsion pour impayés. Elle engage la voie contentieuse et ouvre au juge la possibilité de résilier le bail, de prononcer l’expulsion et de statuer sur la dette locative.

En respectant scrupuleusement les obligations légales — notamment les notifications à la préfecture, à la CCAPEX, et les mentions obligatoires —, le bailleur maximise ses chances d’obtenir une décision favorable.

Pour éviter tout vice de procédure susceptible d’annuler l’assignation, il est fortement recommandé de se faire accompagner par un professionnel du droit ou un huissier expérimenté. Sur defendstesdroits.fr, vous trouverez des ressources fiables pour sécuriser chacune des étapes de cette procédure complexe.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’une assignation par huissier dans le cadre d’une expulsion locative ?
L’assignation par huissier de justice est l’acte officiel qui convoque le locataire devant le Tribunal judiciaire pour qu’il réponde des faits reprochés, notamment des loyers impayés. Elle intervient après un commandement de payer resté infructueux pendant un délai minimum de deux mois. L’acte précise les motifs de la demande du propriétaire (souvent la résiliation du bail via la clause résolutoire) et les éléments juridiques justifiant la procédure. L’assignation doit être rédigée dans le strict respect des articles 55, 56 et 648 du Code de procédure civile, sous peine de nullité. Elle marque l’ouverture officielle de la procédure contentieuse d’expulsion.

2. Quels sont les délais légaux à respecter avant d’assigner un locataire au Tribunal judiciaire ?
Plusieurs délais doivent impérativement être observés avant de délivrer une assignation :

  • Un délai de deux mois doit s’être écoulé depuis la signification du commandement de payer (article 24 de la loi du 6 juillet 1989).
  • Le Préfet doit être informé au moins deux mois avant l’audience par lettre recommandée avec accusé de réception, pour permettre l’éventuelle mobilisation des aides du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL).
  • Si le bailleur est une personne morale, il doit également saisir la CCAPEX au moins deux mois avant l’assignation.
    Le non-respect de ces délais peut entraîner le rejet de la demande ou la nullité de l’assignation.

3. Quelles informations l’assignation doit-elle obligatoirement contenir ?
L’assignation doit comporter plusieurs mentions légales sous peine d’être déclarée irrecevable :

  • L’identification du tribunal compétent, généralement le Tribunal judiciaire (article 56 du Code de procédure civile) ;
  • Les motifs détaillés de la demande, notamment le montant de la dette locative, l’invocation de la clause résolutoire, les pièces justificatives ;
  • Les modalités de comparution du locataire, ainsi qu’un avertissement sur les conséquences de son absence à l’audience ;
  • Les coordonnées précises du bailleur et du locataire ;
  • L’identité de l’huissier et la date de l’acte (article 648 du Code de procédure civile).
    Enfin, l’assignation doit aussi démontrer les tentatives de résolution amiable du litige, exigées par le Code de procédure civile.

4. Le locataire peut-il être expulsé immédiatement après l’assignation ?
Non, l’assignation ne permet pas d’expulser immédiatement le locataire. Elle déclenche la procédure judiciaire, mais seule une décision du juge peut prononcer l’expulsion. Le juge peut soit :

  • Constater la résiliation du bail si la clause résolutoire s’applique,
  • Accorder des délais de paiement au locataire en difficulté (jusqu’à 36 mois selon l’article 1343-5 du Code civil),
  • Refuser l’expulsion s’il estime que le locataire est de bonne foi ou que des circonstances sociales particulières l’exigent.
    L’expulsion effective ne pourra avoir lieu qu’après la signification du jugement, puis un commandement de quitter les lieux, et le cas échéant, le concours de la force publique.

5. Pourquoi l’assignation par huissier est-elle indispensable dans une procédure d’expulsion ?
L’assignation par huissier est indispensable car elle permet de respecter le principe du contradictoire, garantissant au locataire la possibilité de présenter sa défense devant le juge. Elle est également une condition de validité de la procédure, en assurant la notification formelle de la procédure et en engageant officiellement la juridiction compétente. En l’absence de cette assignation régulière, aucune décision d’expulsion ne peut être rendue. Elle sert aussi de preuve de la diligence du bailleur dans la mise en œuvre de ses droits, notamment si des démarches amiables ont été tentées. Toute erreur dans la rédaction ou la signification de l’acte peut donc remettre en cause l’ensemble de la procédure.

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