Face à l’accumulation d’impayés de loyers, le propriétaire dispose d’un levier juridique déterminant : l’assignation devant le tribunal judiciaire. Ce recours, encadré par un arsenal normatif précis, permet de faire constater la résiliation du bail, d’obtenir le recouvrement des sommes dues et, en dernier ressort, de solliciter l’expulsion du locataire.
Toutefois, avant d’engager une telle procédure, le bailleur doit suivre une série d’étapes formelles, rigoureusement définies par la législation et la jurisprudence.
Le respect de ces démarches conditionne la recevabilité de l’action et son issue. À travers cet article, defendstesdroits.fr vous éclaire sur le chemin procédural à suivre, de la signification du commandement de payer à l’audience devant le juge des contentieux de la protection.
Conformément à l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux dates convenues dans le contrat de bail. Cette obligation constitue l’un des engagements fondamentaux du preneur à bail dans les rapports locatifs. Le défaut de paiement du loyer est donc considéré comme un manquement contractuel grave.
Face à une telle situation, le bailleur est en droit de se prévaloir de la clause résolutoire prévue dans le contrat.
Cette clause, lorsqu’elle est insérée dans le bail, permet la résiliation automatique du contrat si le locataire ne s’acquitte pas de sa dette dans un délai de deux mois suivant un commandement de payer signifié par un commissaire de justice (article 24 de la même loi).
En l’absence de clause résolutoire, le bailleur peut solliciter une résiliation judiciaire du bail auprès du juge des contentieux de la protection, compétent en matière locative.
Le bailleur doit cependant agir dans un délai raisonnable. En vertu des articles 2219 et 2222 du Code civil, l’action en recouvrement de loyers impayés est soumise à une prescription triennale.
Cela signifie que le bailleur dispose de trois ans à compter du premier impayé pour engager une action en justice. À défaut, le locataire peut soulever une fin de non-recevoir, rendant l’action irrecevable, même si la dette n’a pas été contestée auparavant.
L’assignation pour loyers impayés est un acte de procédure formel, rédigé et délivré par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice), par lequel le locataire est convoqué à comparaître devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble. Elle constitue le point de départ de la phase contentieuse du litige locatif.
L’assignation peut poursuivre deux objectifs distincts mais complémentaires :
La notification de cette assignation doit respecter les prescriptions procédurales strictes des articles 654 à 659 du Code de procédure civile. Elle doit être signifiée à personne, c’est-à-dire remise directement au locataire, ou, à défaut, à domicile ou à résidence.
En l’absence de ces modalités, des règles subsidiaires de signification s’appliquent (par dépôt à l’étude ou affichage, notamment).
Il est impératif que cette assignation soit claire, complète et juridiquement fondée, car elle conditionne la régularité de toute la procédure à venir. Elle constitue le support essentiel de la demande en justice formulée par le bailleur et doit permettre au locataire de comprendre les griefs retenus à son encontre et de préparer utilement sa défense.
Avant toute assignation, le bailleur doit :
Le non-respect de ces étapes peut entraîner l’irrecevabilité de l’assignation.
Conformément aux articles 56 et 648 du Code de procédure civile, l’assignation doit notamment comprendre :
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, dite « loi Kasbarian-Bergé », le délai minimal entre la signification de l’assignation au locataire et la date d’audience devant le tribunal judiciaire a été modifié pour certaines procédures. Cette réforme vise à accélérer les contentieux locatifs liés aux impayés, afin de répondre plus efficacement aux situations de détresse des bailleurs privés.
Alors qu’auparavant, l’article 15 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 imposait un délai de deux mois entre la délivrance de l’assignation et l’audience, la nouvelle législation prévoit désormais, dans les cas de loyers impayés, un réduction de ce délai à un mois, sous réserve du respect des formalités préalables obligatoires (notamment l’information du préfet et de la CCAPEX). Ce délai s’applique lorsque l’assignation est fondée sur une clause résolutoire activée à la suite d’un commandement de payer resté infructueux.
Ce raccourcissement procédural a pour but de limiter les situations d’occupation sans droit ni titre, qui peuvent s’éterniser lorsque les délais procéduraux sont trop longs. Toutefois, le respect du principe du contradictoire (article 16 du Code de procédure civile) demeure essentiel : le locataire doit être en mesure de préparer utilement sa défense dans ce laps de temps réduit.
En pratique, les avocats et commissaires de justice doivent faire preuve d’une grande rigueur dans la planification des audiences pour ne pas compromettre la régularité de la procédure.
Il est donc fondamental pour le bailleur de vérifier que le tribunal saisi applique effectivement le délai réduit d’un mois, qui n’est pas systématique dans toutes les juridictions, notamment lorsque le litige soulève des circonstances particulières nécessitant un examen plus approfondi de la situation du locataire.
Le DSF, instauré par le plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALHPD), est obligatoire avant l’audience. Il est réalisé par un travailleur social désigné par l’administration et vise à :
Ce diagnostic doit être transmis au juge, au préfet et à la CCAPEX.
Lors de l’audience devant le juge des contentieux de la protection, les deux parties (bailleur et locataire) sont invitées à s’exprimer. Le locataire peut faire valoir :
Le juge peut alors :
Lorsqu’un locataire en situation d’impayés engage une procédure de surendettement auprès de la commission de surendettement des particuliers, cela peut avoir un impact direct sur la procédure judiciaire en cours, notamment sur une demande d’expulsion ou de résiliation de bail fondée sur des loyers impayés.
En effet, selon l’article L. 722-2 du Code de la consommation, la recevabilité du dossier de surendettement entraîne, de plein droit, la suspension des mesures d’exécution engagées à l’encontre du débiteur. Cela inclut notamment :
Ainsi, si le locataire saisit la commission avant l’audience devant le juge des contentieux de la protection et que son dossier est déclaré recevable, le juge doit tenir compte de cette procédure parallèle. Dans ce cas, il pourra être contraint de surseoir à statuer, geler temporairement l’expulsion, ou adapter les modalités de remboursement de la dette locative, en cohérence avec les mesures recommandées par la commission.
Les mesures que peut proposer la commission sont diverses :
Ces décisions priment sur le plan d’apurement éventuellement ordonné par le juge, dès lors qu’elles sont homologuées ou exécutoires. Toutefois, le locataire conserve l’obligation de reprendre le paiement régulier du loyer courant, faute de quoi l’expulsion pourra à nouveau être sollicitée.
Cette interaction entre les deux procédures illustre la volonté du législateur de préserver l’accès au logement pour les personnes en difficulté, tout en respectant les droits des bailleurs. Elle impose néanmoins une vigilance procédurale accrue, tant pour les propriétaires que pour les juridictions, afin de garantir la cohérence entre les décisions civiles et les mesures de traitement du surendettement.
Dans le cadre d’un bail d’habitation, certaines situations spécifiques exigent une vigilance accrue en matière de procédure, notamment lorsqu’il s’agit de colocations ou de bailleurs personnes morales. Ces cas impliquent des règles procédurales renforcées, sous peine d’irrégularité ou d’inefficacité de l’assignation.
1. En cas de colocation
Lorsque le bail est signé par plusieurs colocataires, il est impératif que l’assignation soit signifiée individuellement à chacun des locataires mentionnés au contrat. Cette exigence découle du principe du contradictoire (article 15 du Code de procédure civile) et du respect des droits de la défense. Si un seul des colocataires est assigné en justice, la décision judiciaire – qu’il s’agisse de résiliation du bail, condamnation au paiement des loyers ou expulsion – ne s’appliquera qu’à celui ayant été régulièrement convoqué devant la juridiction.
Ainsi, pour obtenir un effet pleinement exécutoire, le commissaire de justice doit délivrer un acte d’assignation distinct à chaque colocataire signataire du bail, même s’ils partagent la même adresse. À défaut, l’ordonnance rendue serait partielle et inopposable aux colocataires non assignés, rendant l’exécution difficile, voire impossible.
2. En cas de bail conclu avec une personne morale
Lorsque le locataire est une personne morale, par exemple une association, une société commerciale, ou une structure gestionnaire de logements sociaux, la procédure connaît des spécificités supplémentaires. En particulier, la saisine de la CCAPEX est obligatoire, sans condition de seuil d’impayés. Cette obligation est issue de la circulaire NOR : LOGL1630458C du 22 mars 2017 et s’applique à toutes les personnes morales exerçant une mission d’hébergement ou de gestion locative, même à titre accessoire.
La Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX) doit ainsi être informée par le bailleur ou son représentant avant l’engagement de la procédure d’expulsion, afin d’analyser la situation et proposer, si nécessaire, des mesures alternatives à l’expulsion (relogement, médiation, accompagnement social…).
En cas de manquement à cette obligation d’information, l’assignation peut être déclarée irrecevable, ce qui constitue un vice de procédure majeur.
Ces dispositions traduisent la volonté du législateur de protéger les occupants en situation précaire ou les structures agissant dans le domaine du logement social, tout en assurant une procédure régulière et équilibrée au profit du bailleur.
L’assignation au tribunal pour loyers impayés constitue une voie de droit rigoureuse, qui ne saurait être engagée à la légère. Elle impose au bailleur de respecter scrupuleusement les formalités préalables prévues par la loi du 6 juillet 1989 et le Code de procédure civile.
Chaque étape – de la délivrance du commandement de payer à l’information de la CCAPEX et du préfet, jusqu’à l’audience – joue un rôle déterminant dans l’appréciation du juge. Par ailleurs, la prise en compte du diagnostic social et financier ou d’une éventuelle procédure de surendettement illustre l’équilibre que le droit cherche à maintenir entre le respect des obligations contractuelles et la protection des personnes en situation de précarité.
Pour agir efficacement, il est vivement recommandé de se faire accompagner par un professionnel du droit ou de consulter les ressources fiables disponibles sur defendstesdroits.fr.
Un bailleur peut assigner un locataire dès lors que celui-ci ne paie plus son loyer ou ses charges locatives, conformément à l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. L’assignation est généralement précédée d’un commandement de payer, signifié par huissier (commissaire de justice), resté infructueux pendant un délai de deux mois. Cette procédure vise à faire constater la résiliation du bail ou à obtenir une condamnation au paiement des arriérés, voire l’expulsion du locataire. Elle est donc réservée aux situations d’impayés persistants, malgré les relances ou tentatives amiables.
Avant toute assignation, plusieurs étapes obligatoires doivent être respectées :
Le non-respect de l’un de ces éléments peut entraîner l’irrecevabilité de l’assignation par le juge.
Le bailleur dispose d’un délai de prescription de trois ans pour engager une action en recouvrement de loyers impayés, en vertu des articles 2219 et 2222 du Code civil. Ce délai court à compter de la connaissance des faits, c’est-à-dire du défaut de paiement. Passé ce délai, l’action est prescrite et ne peut plus être valablement engagée. Par ailleurs, le délai entre la délivrance de l’assignation et l’audience est désormais réduit à un mois (loi Kasbarian), afin de raccourcir les délais d’expulsion en cas de non-paiement.
L’assignation doit impérativement comporter, sous peine de nullité (articles 56 et 648 du Code de procédure civile) :
La notification doit être faite par commissaire de justice, à chaque colocataire ou signataire du bail, ainsi qu’au préfet pour déclencher les mécanismes de prévention de l’expulsion.
Oui, plusieurs mécanismes de protection du locataire peuvent éviter l’expulsion, même après une assignation :
La procédure vise à protéger à la fois les droits du bailleur et à offrir au locataire une chance de régulariser sa situation, notamment en cas de difficultés financières temporaires.