L’occupation illicite des logements — qu’elle résulte d’un squat ou d’un impayé locatif persistant — constitue une atteinte directe au droit de propriété, reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle en droit français.
Face à l’exaspération croissante des propriétaires, confrontés à des délais judiciaires excessifs et à une protection souvent jugée déséquilibrée des occupants, le législateur a réagi. La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, dite "loi Kasbarian-Bergé", introduit des dispositions destinées à renforcer les sanctions contre les squatteurs, à accélérer les procédures d’expulsion, et à mieux protéger les bailleurs victimes de loyers impayés.
Ce texte s’inscrit dans une volonté de rétablir l’équilibre entre le droit au logement et le droit de propriété, en adaptant les outils procéduraux aux réalités vécues par les propriétaires. Il modifie en profondeur certains mécanismes de la loi du 6 juillet 1989, tout en renforçant l’arsenal pénal. Voici les quatre nouveautés majeures à retenir de cette réforme législative.
Le droit au logement, érigé en objectif à valeur constitutionnelle (article 1er de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989), ne saurait justifier que les propriétaires soient privés de la jouissance de leur bien pendant plusieurs années, notamment en raison de lourdeurs procédurales. La nouvelle loi vise à rétablir l’équilibre avec un autre droit fondamental : le droit de propriété, garanti à l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, lequel est souvent sacrifié dans les contentieux locatifs.
Cette loi vient compléter des dispositifs existants (loi ELAN, loi ASAP) qui restaient insuffisants pour permettre aux propriétaires de retrouver la jouissance de leur bien dans des délais raisonnables.
Le Code pénal (article 226-4) sanctionnait déjà l’atteinte au domicile d’autrui. Désormais, la loi introduit une nouvelle infraction pénale spécifique au squat de logement, renforçant significativement la répression :
À noter : Cette mesure ne s’applique pas uniquement aux résidences principales, mais aussi aux résidences secondaires, aux logements vacants ou même non meublés, dès lors qu’il y a volonté d’en disposer.
La loi n° 2023-668 introduit une innovation pénale majeure dans le cadre des procédures d’expulsion : la création d’un délit autonome de maintien illicite dans les lieux. Ce dispositif vise les locataires ou occupants qui, bien qu’ayant fait l’objet d’une décision de justice ordonnant leur expulsion, continuent d’occuper le logement de manière frauduleuse, en violation de l’autorité de la chose jugée.
Concrètement, l’article 315-1 du Code pénal, nouvellement créé, punit cette infraction de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. Ce nouvel outil juridique permet de réprimer les comportements dilatoires, souvent constatés dans les litiges liés à des impayés de loyers où l’expulsion est systématiquement retardée par un refus de quitter les lieux.
Cette disposition comble une lacune juridique importante : jusque-là, un occupant expulsable ne commettait aucune infraction pénale tant que l’exécution forcée de la décision n’avait pas eu lieu. Désormais, le simple fait de se maintenir dans les lieux après une décision d’expulsion exécutoire constitue une infraction distincte, offrant au propriétaire un levier supplémentaire pour faire valoir ses droits.
Il convient toutefois de rappeler que la trêve hivernale, prévue à l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution, demeure en vigueur. Toutefois, son bénéfice est strictement réservé aux personnes en situation régulière dans le logement : locataires de bonne foi, occupants vulnérables ou bénéficiaires d’un logement social. Les squatteurs, qui se sont introduits sans droit ni titre dans les lieux, ne peuvent en aucun cas invoquer la trêve hivernale pour retarder leur expulsion, conformément à la jurisprudence constante depuis la loi ELAN de 2018.
Ce renforcement de la répression pénale complète les mesures civiles et contentieuses existantes, en affirmant la volonté du législateur de lutter contre les abus dans l’occupation des logements, et de garantir l’effectivité du droit de propriété.
Avant la réforme de 2023, l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoyait que, lorsqu’un locataire faisait l’objet d’un commandement de payer, le juge pouvait, en cas de saisine, accorder des délais de paiement. Cette décision avait pour effet de suspendre l’application de la clause résolutoire du bail, empêchant ainsi toute résiliation immédiate du contrat de location.
Ce mécanisme, souvent utilisé pour gagner du temps, conduisait à des situations de blocage, dans lesquelles le propriétaire ne pouvait récupérer son bien pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, même en présence d’une dette locative importante.
La loi Kasbarian-Bergé met fin à cette suspension automatique. Le nouveau régime juridique prévoit désormais que la clause résolutoire produit ses effets de plein droit, dès lors que le commandement de payer est resté infructueux à l’issue du délai de deux mois prévu par la loi. La résiliation du bail peut donc être constatée, sans que le juge n’ait la faculté de l’empêcher, même s’il accorde des délais de paiement au locataire.
Ainsi, le juge conserve la possibilité d’échelonner le paiement de la dette, mais cela ne bloque plus l’expulsion : si la clause est acquise, l’occupant devient expulsable de plein droit. Cette réforme vise à limiter les détournements de procédure, qui consistaient à retarder indéfiniment la sortie des lieux sous couvert de délais judiciaires.
Ce changement répond à une volonté claire de sécurisation des droits du bailleur. Trop souvent, les propriétaires se retrouvaient prisonniers d’une procédure contentieuse longue, coûteuse et inefficace, malgré une situation contractuelle nette. En restauration de l’équilibre contractuel, la loi renforce l’autorité de la clause résolutoire, outil essentiel de protection du créancier dans le cadre des baux d’habitation.
En renforçant le caractère automatique de la résiliation, cette évolution juridique entend favoriser la fluidité du marché locatif et réduire les contentieux chroniques liés aux loyers impayés.
Dans un objectif d’efficacité judiciaire et de réduction des délais contentieux, le législateur a opéré une réforme substantielle du calendrier applicable aux procédures d’expulsion locative. Ces ajustements visent à accélérer la restitution du bien au propriétaire tout en maintenant les garanties procédurales essentielles pour l’occupant.
Désormais, conformément à la modification de l’article 2 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991, le délai minimal entre l’assignation et l’audience devant le Tribunal judiciaire est réduit de deux mois à un mois. Cette disposition permet une audience plus rapide, limitant les effets de l’inertie procédurale dont souffraient les bailleurs.
Par ailleurs, l’article L.412-3 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) a été profondément remanié. Le délai de grâce accordé par le juge aux occupants sans droit ni titre ou aux locataires expulsés est désormais compris entre deux mois et un an, contre trois mois à trois ans auparavant. Cette durée encadrée s’applique aux occupants de locaux à usage d’habitation ou professionnel.
Ces nouvelles bornes temporelles assurent une meilleure lisibilité des délais, renforcent la prévisibilité des décisions d’expulsion et facilitent la mise en œuvre rapide des décisions judiciaires. Toutefois, la loi prévoit toujours la possibilité pour le juge d’adapter les délais au regard de situations personnelles ou sociales spécifiques, notamment lorsque l’expulsion risquerait de porter une atteinte disproportionnée à la dignité humaine.
En somme, cette compression des délais constitue une réponse directe aux attentes des propriétaires lésés, tout en respectant le principe de proportionnalité imposé par le Conseil constitutionnel en matière d’expulsion du logement.
D’après les chiffres de la justice en 2019 :
Les situations de squat, qui ne relèvent pas des litiges locatifs classiques, provoquaient jusqu’alors une insécurité juridique majeure, tant sur le plan patrimonial que psychologique.
Exemples notoires :
Ces cas illustrent l’urgence d’une réforme protectrice du droit de propriété, notamment pour les petits propriétaires sans les moyens d’attendre plusieurs années une décision d’expulsion.
La loi Kasbarian-Bergé marque un net durcissement du régime applicable aux occupations sans droit ni titre, qu’il s’agisse de squatteurs ou de locataires défaillants. En accélérant les délais contentieux, en restreignant les possibilités de maintien dans les lieux, et en renforçant les sanctions pénales, elle constitue un tournant en faveur des propriétaires bailleurs.
Pour autant, ces nouvelles règles n’évacuent pas totalement les garanties accordées aux locataires en situation de fragilité, notamment au travers de la trêve hivernale ou de l’intervention judiciaire.
Les justiciables concernés — qu’ils soient propriétaires lésés ou occupants en difficulté — devront faire preuve de vigilance dans l’application de ces nouvelles dispositions. Il est donc essentiel d’être conseillé ou accompagné par un professionnel du droit, afin de faire valoir ses droits dans le respect du cadre légal. Le site defendstesdroits.fr vous propose une analyse juridique complète et des ressources pratiques pour vous orienter efficacement dans vos démarches.
La loi n° 2023-668, dite Kasbarian-Bergé, renforce significativement la répression du squat. Elle triple les peines prévues à l’article 226-4 du Code pénal : l’occupation sans droit ni titre d’un logement est désormais punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, contre 1 an et 15 000 € auparavant. Cette nouvelle infraction concerne tous types de logements, y compris les logements vacants ou secondaires. La loi introduit aussi un délit de maintien frauduleux dans les lieux après décision d’expulsion, passible de 6 mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende, ce qui vise directement les locataires refusant de quitter les lieux en dépit d’une décision de justice.
Non. Depuis la loi ELAN (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018), les squatteurs ne bénéficient plus de la trêve hivernale prévue à l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution. Cette exclusion est réaffirmée par la loi de 2023, qui précise que seuls les occupants entrés dans les lieux de manière licite peuvent prétendre à cette protection saisonnière. Ainsi, un squatteur peut être expulsé même en hiver, sous réserve d’une procédure judiciaire respectant les droits fondamentaux de la défense.
La clause résolutoire dans les baux permet de résilier automatiquement le contrat de location en cas d’impayé, après un commandement de payer resté infructueux. Avant la réforme, le juge pouvait suspendre cette clause en accordant un délai de paiement. Désormais, cette suspension n’est plus automatique : même si un délai est accordé, la clause continue de produire effet, ce qui signifie que le bail est résilié de plein droit. Le locataire est donc expulsable sans attendre l’échéance du délai, renforçant ainsi la sécurité juridique du bailleur.
Le texte modifie plusieurs délais pour réduire les longueurs de la procédure judiciaire :
Un propriétaire dispose désormais d’un arsenal juridique renforcé. En cas de non-paiement, il peut délivrer un commandement de payer par huissier (article 24 de la loi du 6 juillet 1989). Si le locataire ne régularise pas la dette sous 2 mois, et que le contrat contient une clause résolutoire, le bail peut être résilié automatiquement. En l’absence de clause, le propriétaire peut saisir le tribunal judiciaire pour obtenir la résiliation du bail et l’expulsion. Grâce à la loi de 2023, cette procédure est moins longue, et les délais d’audience sont raccourcis, permettant une réponse judiciaire plus efficace. Le propriétaire peut également obtenir une condamnation du locataire à régler les arriérés, avec possibilité de saisie.