Travail

Sanctions en cas d’oubli du registre du personnel : ce que dit la loi

Francois Hagege
Fondateur
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Registre du personnel : erreurs à éviter et sanctions prévues

Tenir un registre unique du personnel (RUP) n’est pas une simple formalité administrative. Il s’agit d’une obligation légale imposée à tout employeur par le Code du travail, visant à garantir la transparence et la traçabilité des relations d’emploi au sein de l’entreprise.

À travers ce document, l’administration peut exercer un contrôle sur les effectifs, les statuts des travailleurs, et le respect des obligations liées à l’embauche.

Trop souvent relégué au second plan, le RUP constitue pourtant un outil de preuve fondamental en cas de litige ou de contrôle. Ignorer cette obligation expose l’employeur à des sanctions pénales et à une potentielle requalification des relations de travail. Il est donc indispensable de maîtriser ses règles de tenue, son contenu, sa mise à jour et les modalités de conservation, afin d’éviter toute défaillance juridique.

Sommaire

  1. Obligation générale de tenue du registre
  2. Mentions obligatoires à inscrire
  3. Structure et support du registre
  4. Contrôles et sanctions
  5. Accès au registre par les autorités compétentes

1. Obligation générale de tenue du registre

Conformément à l'article L1221-13 du Code du travail, tout employeur a l'obligation de tenir à jour un registre unique du personnel (RUP). Cette obligation s'impose dès l'embauche du premier salarié, quel que soit l'effectif ou la forme juridique de l'entreprise.

Cette exigence s’applique à l’ensemble des employeurs, à l’exception notable :

  • des particuliers employeurs ;
  • des structures utilisant les dispositifs CESU ou chèque emploi associatif.

Le registre doit répertorier tous les travailleurs intervenant dans l’entreprise : salariés en CDI, CDD, intérimaires, stagiaires, apprentis, télétravailleurs, ainsi que les personnes en service civique. L’employeur doit ainsi assurer une traçabilité complète des effectifs présents, en respectant les règles précises fixées par les textes.

2. Mentions obligatoires à inscrire

Le contenu du RUP est strictement encadré par les dispositions de l’article D1221-23 du Code du travail. Chaque entrée doit comporter les informations essentielles suivantes :

  • Nom et prénom du salarié ;
  • Nationalité ;
  • Date de naissance ;
  • Sexe ;
  • Qualification professionnelle ;
  • Emploi occupé ;
  • Date d’entrée et de sortie dans l’établissement.

Des mentions spécifiques doivent également apparaître en fonction du type de contrat ou de situation particulière :

  • Pour les intérimaires : mention « salarié temporaire » + coordonnées de l’agence de travail temporaire ;
  • Pour les salariés mis à disposition : mention du groupement d’employeurs + coordonnées ;
  • Pour les temps partiels : mention explicite du statut ;
  • Pour les apprentis ou contrats pro : mention « apprenti » ou « contrat de professionnalisation » ;
  • Pour les travailleurs étrangers : numéro et type du titre de séjour autorisant le travail, dont une copie doit être annexée au registre (obligation prévue à l’article R5221-41 du Code du travail).

Concernant les stagiaires, l'article L124-4-5 du Code de l'éducation impose l’inscription :

  • Du nom et prénom du stagiaire ;
  • Des dates de début et de fin du stage ;
  • Du nom du tuteur et du lieu de présence.

Les télétravailleurs doivent être identifiés comme tels, conformément à la réglementation issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

3. Structure et support du registre

Moment d’inscription et mise à jour

Le registre doit être renseigné immédiatement lors de l’embauche d’un salarié, dans l’ordre chronologique. Tout événement impactant la situation du salarié (modification de poste, changement de qualification, obtention de la nationalité française) doit faire l’objet d’une mise à jour sans délai.

Support du registre : papier ou numérique

Le support du registre n’est pas imposé par la loi : il peut être papier ou informatique. Toutefois, un usage numérique suppose :

  • La consultation préalable du CSE, conformément à l’article L2312-8 du Code du travail ;
  • Le respect des garanties d’intégrité et d’accès similaires à la version papier (article D1221-27).

Aucune déclaration à la CNIL n’est requise lorsque le registre est exclusivement utilisé pour des statistiques internes, selon la dispense n° 9 établie par la CNIL. Cela n’exonère pas l’employeur de ses obligations au titre du RGPD.

Durée de conservation

Les mentions inscrites doivent être conservées durant cinq ans à compter de la date de départ du salarié (article D1221-26).

4. Contrôles et sanctions

Inspection du travail et défaut de registre

Le registre unique du personnel doit être présenté à tout moment aux agents de contrôle de l’inspection du travail, conformément aux exigences du Code du travail. Ces agents disposent d’un pouvoir de vérification étendu, leur permettant de contrôler l’existence, la tenue et la conformité du registre au regard des obligations légales.

L’article L8113-4 du Code du travail attribue expressément à l’inspecteur du travail la compétence pour accéder à tout document ou registre lié à la gestion du personnel. Cela comprend le RUP, qui doit être disponible dans l’établissement où sont employés les salariés.

Toute absence de registre, tenue inexacte, ou omission de mentions obligatoires constitue un manquement sanctionné par la loi. En vertu de l’article R1227-7 du Code du travail, l’employeur encourt une amende forfaitaire de 750 euros par salarié concerné. Cette sanction relève d’une contravention de 4ᵉ classe, ce qui signifie qu’elle peut être appliquée autant de fois qu’il y a de salariés pour lesquels une irrégularité est constatée.

Par exemple :

  • Si un employeur omet d’inscrire 5 salariés dans le registre, ou ne met pas à jour leurs informations, il s’expose à 5 amendes de 750 €, soit 3 750 € au total.
  • En cas d’absence totale de registre dans une entreprise de 20 salariés, l’amende potentielle peut atteindre 15 000 €, hors éventuelles poursuites pour délit d’entrave.

De surcroît, le non-respect de cette obligation peut également être retenu à titre de preuve contre l’employeur devant le conseil de prud’hommes, notamment dans des litiges portant sur la reconnaissance d’une relation de travail dissimulée, ou sur la durée effective d’emploi.

La tenue rigoureuse et actualisée du RUP est donc une garantie juridique majeure pour l’employeur, tant au regard des contrôles administratifs que des contentieux sociaux. Il ne s’agit pas d’un simple document administratif, mais bien d’un instrument de conformité sociale essentiel.

5. Accès au registre par les autorités compétentes

Le registre unique du personnel (RUP) n’est pas un document interne à usage exclusif de l’employeur. Il doit être tenu à disposition de plusieurs acteurs légalement habilités, qui peuvent l’examiner dans le cadre de leurs missions de contrôle ou de représentation du personnel.

Parmi ces acteurs, figurent :

  • Les agents de l’inspection du travail : Ils sont les principaux destinataires du registre dans le cadre de leurs contrôles réguliers ou inopinés. Leur mission est de vérifier le respect des obligations légales en matière d’emploi et de conditions de travail (article L8113-4 du Code du travail).
  • Les membres du Comité Social et Économique (CSE) : Ces représentants du personnel ont un droit d’accès au registre, notamment pour assurer le suivi des effectifs, des contrats et des conditions d'emploi. Cet accès s'inscrit dans le cadre de leurs prérogatives relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail (articles L2312-8 et suivants).
  • Les agents de l’URSSAF et de la Sécurité sociale : Ils peuvent consulter le registre lors de contrôles destinés à vérifier l'exactitude des déclarations sociales, la régularité de l'emploi, et à lutter contre le travail dissimulé.
  • Les agents des services fiscaux : Bien que leur intervention soit plus ponctuelle, ces agents peuvent avoir un droit d'accès au registre dans le cadre d’enquêtes ou de vérifications liées à la fiscalité sociale et aux charges salariales.

Le refus de présentation du registre à l’un de ces agents constitue une violation directe du Code du travail. L’article L8114-1 qualifie ce manquement de délit d’entrave à l’exercice des fonctions de contrôle, passible de sanctions pénales pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 7 500 € d’amende pour la personne physique responsable, voire davantage pour une personne morale (article 131-38 du Code pénal).

Ne pas tenir le registre à disposition dans l’établissement, ou ne pas permettre sa consultation dans les conditions requises, peut donc exposer l’employeur à des poursuites pénales, en plus des sanctions administratives prévues en cas d’anomalies constatées dans le registre lui-même.

Ainsi, la mise à disposition effective du registre constitue une obligation de résultat, et non de moyens, pour l’employeur. Une organisation rigoureuse de la gestion des documents sociaux est donc essentielle à la conformité de l’entreprise.

Conclusion

Le registre unique du personnel ne se résume pas à un simple cahier d’inscription : c’est une pièce obligatoire, contrôlable et sanctionnable, qui reflète fidèlement l’activité sociale de l’entreprise.

Sa bonne tenue participe à la sécurisation des relations de travail et à la conformité de l’employeur face à ses multiples obligations. Qu’il s’agisse de l’inspection du travail, des représentants du personnel ou des organismes sociaux, tous doivent pouvoir y accéder dans des conditions garantissant transparence, fiabilité et actualité des informations. C’est donc un levier stratégique de conformité, trop souvent négligé, qui mérite une attention constante.

FAQ

1. Le registre unique du personnel est-il obligatoire pour toutes les entreprises ?
Oui, la tenue du registre unique du personnel (RUP) est obligatoire pour tous les employeurs, dès l'embauche du premier salarié, peu importe la taille ou la forme juridique de l'entreprise (article L1221-13 du Code du travail). Il s'applique aux entreprises individuelles, sociétés, associations, et administrations, dès lors qu’elles emploient un ou plusieurs salariés.
Seules exceptions :

  • les particuliers employeurs,
  • les structures utilisant le CESU ou le chèque emploi associatif, qui sont exemptés de cette obligation.
    Cette obligation vise à assurer une traçabilité des effectifs et à faciliter les contrôles des autorités administratives, notamment l’inspection du travail.

2. Quelles sont les mentions obligatoires à inscrire dans le registre unique du personnel ?
Selon l’article D1221-23 du Code du travail, le registre doit comporter, pour chaque salarié :

  • ses nom et prénom,
  • sa nationalité,
  • sa date de naissance,
  • son sexe,
  • sa qualification professionnelle,
  • l’emploi occupé,
  • la date d’entrée et, le cas échéant, de sortie de l’établissement.

Des mentions spécifiques sont requises pour certains statuts :

  • travailleurs intérimaires : mention « salarié temporaire » + coordonnées de l’agence,
  • salariés en temps partiel, apprentis, contrats de professionnalisation,
  • travailleurs étrangers : numéro et type du titre de séjour, à annexer au registre,
  • stagiaires : dates de stage, nom du tuteur, lieu de présence,
  • télétravailleurs : mention spécifique.

Chaque information doit être tenue à jour, notamment en cas de changement de qualification ou de modification du statut du salarié.

3. Sous quel format peut-on tenir le registre unique du personnel ?
La loi n’impose aucun format spécifique. Le registre peut donc être :

  • papier,
  • numérique,
  • dématérialisé via un logiciel RH.

Toutefois, si l’employeur choisit un support informatique, il doit respecter certaines conditions :

  • consulter le CSE (Comité Social et Économique),
  • garantir les mêmes conditions de contrôle que pour le format papier (ordre d’inscription, intégrité des données),
  • assurer la conservation des données pendant 5 ans après le départ du salarié (article D1221-26).

Aucune déclaration à la CNIL n’est requise si le registre est utilisé exclusivement pour des finalités statistiques internes, mais les obligations du RGPD restent applicables.

4. Que risque l’employeur en cas d’absence ou de mauvaise tenue du registre ?
En cas de non-présentation, absence, ou tenue irrégulière du registre, l’employeur s’expose à des sanctions pénales.
L’article R1227-7 du Code du travail prévoit une amende de 750 € par salarié concerné, en tant que contravention de 4ᵉ classe. Cette amende est cumulative et peut donc s’élever à plusieurs milliers d’euros selon le nombre de salariés concernés.

De plus, l’obstacle à un contrôle de l’inspection du travail peut constituer un délit d’entrave (article L8114-1), avec des sanctions pénales plus lourdes.
Ces risques montrent l’importance de maintenir un registre à jour, accessible et conforme, à tout moment.

5. Qui peut consulter le registre unique du personnel ?
Le registre ne peut pas être consulté librement par n’importe qui. Il est destiné à certains acteurs précis, habilités par la loi :

  • les agents de l’inspection du travail,
  • les agents de l’URSSAF,
  • les représentants du personnel, notamment les membres du CSE,
  • les agents des services fiscaux, dans le cadre de leurs prérogatives.

Il doit être tenu à disposition dans l’établissement concerné, afin de permettre un contrôle rapide et sans entrave. L’absence de mise à disposition constitue une infraction susceptible d’être requalifiée en délit d’entrave.

La consultation par les représentants du personnel est encadrée : elle doit s’inscrire dans le respect de la confidentialité des données et des finalités prévues par le Code du travail.

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