La gestion des congés payés constitue une obligation majeure pour l’employeur et un droit essentiel pour le salarié. Encadré par les articles L3141-1 et suivants du Code du travail, ce droit au repos annuel vise à préserver la santé, la sécurité et l’équilibre de vie du travailleur. Pour garantir son effectivité, la loi impose des périodes d’acquisition, des périodes de prise, une date limite d’utilisation et, dans certains cas, la possibilité d’un report des congés non utilisés.
Si le principe demeure celui de la perte des congés non pris, la réalité juridique est aujourd’hui bien plus complexe, marquée par l’influence du droit européen, l’évolution constante de la jurisprudence et les dispositions souvent plus favorables des conventions collectives. Le report des congés payés soulève ainsi de nombreuses interrogations : dans quels cas est-il autorisé ?
Dans quelles hypothèses devient-il obligatoire ? Quel est le rôle de l’employeur et quelles sont ses obligations d’information ? Comment articuler congés payés, arrêt maladie, maternité ou suspension du contrat ? Quels délais s’appliquent ?
La situation des salariés empêchés de prendre leur repos en raison d’une maladie ou d’un accident a fait l’objet d’importantes évolutions, en particulier avec la décision du 10 septembre 2025 (Cass. soc., n°23-22732), qui consacre pour la première fois en droit français le droit au report des congés en cas de maladie survenant pendant les congés. Ce revirement, motivé par le respect de la directive européenne 2003/88/CE et renforcé par l’arrêt du 13 novembre 2025 (n°24-14084), redéfinit profondément les obligations qui pèsent sur l’employeur.
Dans un contexte où les arrêts maladie se multiplient, où les organisations du travail se diversifient (forfait jours, annualisation, modulation), et où la sécurisation des droits sociaux devient indispensable, comprendre les règles applicables au report des congés payés constitue un enjeu essentiel pour éviter les litiges et garantir la conformité des pratiques professionnelles.
Cet article propose une analyse approfondie et pédagogique des situations autorisant le report, des critères posés par la loi, des mécanismes conventionnels, des effets des arrêts maladie et des obligations de l’employeur. À travers une lecture structurée et fondée sur les sources légales et jurisprudentielles, defendstesdroits.fr offre aux salariés et aux employeurs un outil fiable pour appréhender ce sujet central du droit du travail.
1. Introduction
2. Principe de perte des congés non pris
3. Situations ouvrant droit au report
4. Report obligatoire en cas de maladie, maternité ou accident
5. Revirement jurisprudentiel de 2025
6. Délais légaux de report des congés
7. Influence des conventions collectives
8. Congés acquis pendant l’arrêt de travail
9. Report imposé ou modifié par l’employeur
10. Cas particuliers : forfait jours et annualisation
11. Possibilité de refus du report par l’employeur
12. Demander un report : formalités obligatoires
13. Alternatives : compte épargne-temps
14. Conclusion
Le régime légal impose que les congés payés acquis au cours d’une période de référence soient pris avant une date précise, généralement fixée au 31 mai de l’année suivante, sauf disposition conventionnelle contraire. Ce fonctionnement découle des règles d’acquisition définies par les articles L3141-1 et suivants du Code du travail.
Ainsi, les congés acquis entre le 1er juin N-1 et le 31 mai N doivent être posés avant le 31 mai N+1. À défaut, ils sont en principe perdus, dès lors que l’employeur a effectivement permis au salarié de les prendre.
La jurisprudence rappelle que la période de prise des congés doit être portée à la connaissance des salariés et que l’employeur doit organiser les départs, en application de l’article L3141-16 du Code du travail.
Lorsque le salarié n’a pas posé ses congés dans les délais, plusieurs cas autorisent ou imposent leur report.
L’employeur et le salarié peuvent convenir ensemble du report total ou partiel des congés non pris. Cet accord doit être formalisé par écrit afin d’assurer la preuve du consentement des parties, notamment en cas de litige.
Un accord collectif peut également prévoir des modalités spécifiques de report, conformément à l’article L3141-22 du Code du travail.
Certaines situations imposent, de plein droit, un report des congés :
Jusqu’à récemment, la France distinguait selon que l’arrêt maladie intervenait avant ou pendant les congés. Cette distinction a été supprimée par la jurisprudence récente.
Dans un arrêt majeur du 10 septembre 2025 (n°23-22732), la Cour de cassation a affirmé :
« Dès lors qu’un salarié placé en arrêt maladie pendant ses congés payés a notifié cet arrêt à son employeur, il a le droit de les voir reportés. »
Cette décision met fin à plusieurs décennies de jurisprudence contraire et aligne le droit français sur les exigences du droit de l’Union européenne. La maladie fait désormais obstacle à l’exercice du droit au repos et impose le report des jours non utilisés.
Le salarié doit toutefois informer son employeur de l’arrêt de travail pour pouvoir bénéficier du report.
Le délai de report est fixé à 15 mois, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Ce délai commence à courir :
Dans un arrêt du 13 novembre 2025 (n°24-14084), la Cour de cassation a précisé que l’employeur ne peut opposer la perte des congés si celui-ci n’a pas démontré avoir effectivement mis le salarié en situation d’exercer ce droit.
Les conventions collectives peuvent améliorer les droits des salariés en prévoyant :
Ces dispositions conventionnelles s’imposent à l’employeur dès lors qu’elles ont été publiées ou étendues.
La loi DDADUE du 22 avril 2024 a profondément modifié l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie. Désormais :
Les congés acquis avant et pendant l’arrêt peuvent être reportés dans la limite du délai applicable.
Si le salarié a déjà posé ses congés et que l’employeur a accepté les dates, celui-ci ne peut modifier son accord moins d’un mois avant le départ, sauf motif exceptionnel (article L3141-16 du Code du travail).
En l’absence de circonstance exceptionnelle, le salarié peut refuser le report imposé.
Les accords collectifs peuvent prévoir des mécanismes spécifiques pour :
Ces règles doivent préciser les modalités de rémunération, les cas ouvrant droit au report et les conditions d’acceptation.
En dehors des cas où le report est légalement ou conventionnellement obligatoire, l’employeur peut refuser la demande du salarié, à condition de justifier de la possibilité qui lui a été offerte de prendre ses congés dans les délais.
L’employeur doit notifier son refus et fournir l’information de manière claire pour éviter tout contentieux.
Le salarié doit impérativement formuler sa demande par écrit, en utilisant un moyen permettant de dater la demande (lettre recommandée ou remise en main propre).
De même, lorsqu’un report est initié par l’employeur, celui-ci doit recueillir l’accord écrit du salarié.
Lorsque le report est impossible ou refusé, certaines entreprises disposent d’un compte épargne-temps (CET) permettant :
Ces droits peuvent être convertis en rémunération, en temps de repos ou encore alimenter un plan d’épargne retraite.
L’ensemble des règles encadrant le report des congés payés témoigne de l’importance attachée par le législateur et les juridictions au droit fondamental au repos, dont la protection repose sur une articulation subtile entre nécessité de gestion interne et sauvegarde des droits du salarié. Si le principe demeure que les congés non pris dans les délais fixés sont perdus, les nombreux cas de report admis par la loi, la jurisprudence ou les conventions collectives démontrent que cette perte ne saurait résulter d’un empêchement extérieur à la volonté du salarié ou d’une carence de l’employeur.
Les apports de la jurisprudence récente, notamment l’arrêt du 10 septembre 2025, consacrent l’obligation d'offrir au salarié la possibilité réelle et effective de prendre ses congés, en conformité avec le droit de l’Union européenne. Cette évolution majeure oblige désormais l’employeur à une vigilance renforcée : information claire sur les droits à congés, suivi individualisé des compteurs, traçabilité des refus et des reports, analyse des contraintes organisationnelles, sécurisation des pratiques RH. Le manquement à ces obligations peut entraîner la sanction du refus illégal de report, voire la condamnation de l’entreprise à indemniser le salarié des congés perdus.
La diversité des régimes — salariés malades, salariés en forfait jours, salariés en travail annualisé, salariés en congé maternité ou d’adoption, salariés confrontés à un refus motivé de congés — montre également que le report ne s’applique pas uniformément. Chaque situation doit être analysée au regard des articles L3141-1 à L3141-22 du Code du travail, des accords collectifs applicables, et des décisions les plus récentes de la Cour de cassation.
Au-delà des exigences juridiques, le report des congés payés participe d’un enjeu plus large : celui de la protection de la santé du salarié et de la qualité de la vie au travail. Le repos annuel n’est pas un avantage facultatif mais une garantie d’ordre public social. L’entreprise, en permettant son exercice effectif, contribue non seulement à se mettre en conformité, mais également à prévenir l’épuisement professionnel, à améliorer la performance et à renforcer le dialogue social.
En offrant une analyse rigoureuse des mécanismes de report, defendstesdroits.fr s’inscrit pleinement dans la mission d’accompagnement juridique des salariés et des employeurs. La compréhension des règles applicables permet d’anticiper les difficultés, de sécuriser les pratiques internes et de garantir une gestion équitable et conforme aux exigences légales et jurisprudentielles du droit du travail.
En principe, les congés payés acquis doivent être pris avant la date fixée par l’employeur, souvent le 31 mai, conformément à un usage largement répandu fondé sur la période d’acquisition prévue par les articles L3141-11 et suivants du Code du travail. À défaut, ils sont considérés comme perdus, à condition que l’employeur ait effectivement permis au salarié de les utiliser dans les délais.
Toutefois, plusieurs exceptions ouvrent un droit au report :
Ainsi, le report n’est pas un droit automatique, mais il devient possible ou obligatoire dans des situations très encadrées.
Oui. Depuis la décision de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 (n°23-22732), un salarié placé en arrêt maladie pendant ses congés peut obtenir le report des jours qu’il n’a pas pu utiliser. Cette décision constitue un revirement majeur et aligne enfin le droit français sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Pour bénéficier de ce droit, deux conditions doivent être remplies :
La maladie est considérée comme un empêchement rendant impossible l’exercice du droit au repos. Le salarié pourra donc reprendre ultérieurement les jours non utilisés, dans le délai de report applicable.
Cette règle vaut pour les :
Cette jurisprudence élargit significativement la protection du droit au repos annuel.
Le délai légal de report est fixé à 15 mois, sauf accord collectif plus favorable. Il est destiné à permettre au salarié d’utiliser ses congés acquis malgré son incapacité temporaire de travail.
Le point de départ du délai varie selon la durée de l’arrêt :
À noter :
L'arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 2025 impose à l’employeur une obligation de preuve : si celui-ci ne démontre pas avoir correctement informé le salarié, les congés ne peuvent pas être réputés perdus.
Cette obligation d'information constitue désormais un point central de la gestion des congés payés.
Oui. De nombreuses conventions collectives prévoient des mécanismes plus avantageux pour les salariés, notamment :
Ces dispositions conventionnelles priment sur le droit commun lorsqu’elles sont plus favorables. Elles peuvent également préciser :
Il est donc indispensable de consulter la convention collective applicable à l’entreprise pour connaître les droits exacts du salarié.
Le salarié doit obligatoirement formuler sa demande par écrit, afin de pouvoir prouver sa démarche en cas de litige ultérieur. Les modes les plus courants sont :
La demande doit contenir :
Si le report est initié par l’employeur, celui-ci doit également obtenir l’accord formel du salarié, car une modification non justifiée à moins d’un mois du départ est contraire au droit du travail, hors circonstances exceptionnelles.
En cas de refus injustifié de l’employeur, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir réparation.