Travail

Arrêt de travail et acquisition des congés : droits du salarié en 2025

Estelle Marant
Collaboratrice
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Congés payés acquis pendant un arrêt maladie : ce que dit la loi

Pendant des années, la question de l’acquisition des congés payés en période d’arrêt maladie a constitué une zone de tensions entre le droit français et le droit européen. Alors que la Cour de justice de l’Union européenne reconnaissait depuis longtemps le droit des salariés à continuer d’acquérir des congés payés pendant une absence pour maladie, le Code du travail français persistait à limiter, voire exclure, cette acquisition selon la nature de l’arrêt. Cette divergence a entraîné un contentieux massif et a conduit la Cour de cassation, par plusieurs arrêts du 13 septembre 2023, à réviser sa jurisprudence pour l’aligner sur les exigences européennes.

Face à cette transformation jurisprudentielle, le législateur a dû intervenir. La Loi n°2024-364 du 22 avril 2024, dite Loi DDADUE, est venue modifier en profondeur plusieurs dispositions du Code du travail afin de mettre fin aux incohérences existantes et de fixer un régime légal clair, notamment concernant :
– l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie professionnel ou non professionnel,
– la suppression de la limite d’acquisition d’un an pour les arrêts liés à un accident du travail ou à une maladie professionnelle,
– les règles de report des congés payés non pris en raison d’un arrêt,
– la nouvelle obligation d’information à la charge de l’employeur,
– et la rétroactivité des demandes éventuelles.

Cette réforme, lourde de conséquences pour les entreprises, nécessite une maîtrise technique des nouvelles règles, car elle modifie non seulement le calcul des droits à congés, mais aussi la gestion des reports, les pratiques internes, les obligations déclaratives et le risque contentieux.

defendstesdroits.fr expose l’ensemble de ces évolutions pour permettre aux employeurs et aux salariés de comprendre les droits désormais applicables en matière d’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie.

Sommaire

1. introduction : réformes européennes et évolution du droit français
2. acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie
3. règles de report des congés non pris en raison de la maladie
4. obligation d’information de l’employeur
5. rétroactivité des droits et délais pour agir en justice
6. anciennes règles avant la réforme ddadue

Acquisition et report des congés payés : les nouvelles règles issues de la Loi DDADUE

Une réforme imposée par le droit européen

La Loi DDADUE, entrée en vigueur le 24 avril 2024, modifie le régime juridique des congés payés en transposant les exigences du droit de l’Union, notamment issues de la directive 2003/88/CE relative au temps de travail.
La Cour de cassation a préparé cette évolution par ses arrêts du 13 septembre 2023, confirmant que les salariés en arrêt maladie non professionnel doivent acquérir des congés payés dans les mêmes conditions que les salariés en arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle.

Ces décisions ont conduit le législateur à réécrire plusieurs articles du Code du travail, dont L.3141-3, L.3141-5, L.3141-19-1, L.3141-19-3, afin d’assurer une conformité complète au droit européen.

Acquisition des congés payés durant un arrêt maladie ou accident

Arrêt maladie ou accident non professionnel : 2 jours ouvrables par mois

L’article L.3141-5-1 prévoit que la période d’arrêt pour maladie non professionnelle ouvre désormais droit à 2 jours ouvrables de congés payés par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables par an.
Il s’agit d’un changement majeur : auparavant, cette période n’ouvrait aucun droit à congés puisqu’elle n'était pas considérée comme du temps de travail effectif.

Désormais, toute absence justifiée pour maladie ou accident non professionnel doit être intégrée dans le calcul annuel des congés payés.

Arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle : 2,5 jours par mois sans limitation

L’article L.3141-5 modifié supprime la limite antérieure d’un an applicable aux accidents du travail ou maladies professionnelles.

Le salarié acquiert donc 2,5 jours ouvrables par mois, soit 30 jours ouvrables par an, et cela quelle que soit la durée de l’arrêt.

Cette suppression découle des exigences européennes garantissant l’égalité des droits entre les salariés en activité et ceux dont le contrat est suspendu pour cause professionnelle.

Report des congés payés non pris en raison de la maladie

Mise en place d’un délai légal de report de 15 mois

L’article L.3141-19-1 précise que lorsqu’un salarié n’a pas pu exercer son droit à congés du fait de la maladie, il bénéficie d’un délai de 15 mois pour les prendre.
Ce délai constitue la transposition des solutions européennes visant à éviter la perte automatique de jours acquis en raison d’un arrêt maladie.

Le report bénéficie :
– au salarié tombé malade avant son départ en congés,
– au salarié tombé malade pendant ses congés,
– au salarié malade pendant la période normale de prise fixée par l’entreprise.

Possibilité de fixation d’un délai plus long par accord collectif

L’article L.3141-21-1 autorise les partenaires sociaux à porter ce délai au-delà de 15 mois.
Le délai légal constitue un minimum, auquel il n'est jamais possible de déroger en défaveur du salarié.

Point de départ du délai de report

Le point de départ dépend de la durée de l’arrêt :

Salarié en arrêt depuis moins d’un an

Le délai commence à courir à compter de la transmission par l’employeur des informations obligatoires, notamment :
– nombre de jours restant,
– date limite pour les prendre.

Salarié en arrêt depuis plus d’un an

Le délai court à partir de la fin de la période de référence, sous réserve que le contrat soit suspendu depuis au moins un an à cette date.

La Cour de cassation, par arrêt du 13 novembre 2025, a rappelé que le report ne peut être opposé au salarié si l’employeur n’a pas démontré l’accomplissement des diligences nécessaires, notamment l’information précise et en temps utile du salarié.

Nouvelle obligation d’information à la charge de l’employeur

L’article L.3141-19-3 impose à l’employeur d’informer tout salarié revenant d’arrêt maladie :

– du nombre exact de jours de congés dont il dispose,
– de la date limite pour les poser.

L’employeur dispose d’un délai d’un mois pour remplir cette obligation, par tout moyen conférant date certaine (notamment le bulletin de paie).

Sans cette information, le délai de report ne peut commencer à courir, ce qui expose l’employeur à un risque contentieux.

Rétroactivité : quelles conséquences pour les entreprises ?

Le législateur a prévu une rétroactivité importante visant les absences intervenues entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024, afin d’assurer la conformité historique du droit français au droit européen.

Toutefois, deux limites importantes s’imposent :

– La suppression de la limite d’un an pour les AT/MP n’a pas d’effet rétroactif (Cass. soc., 2 octobre 2024).
– Le salarié ne peut pas agir :
 • si une décision ayant autorité de chose jugée a tranché la question,
 • si sa convention collective lui accordait déjà des dispositions plus favorables.

Délai agir

– Pour les salariés encore en poste au 24 avril 2024 : délai de 2 ans, soit jusqu’au 24 avril 2026.
– Pour les salariés ayant quitté l’entreprise avant cette date : prescription triennale de droit commun.

Règles antérieures : rappel pour comprendre la portée de la réforme

Avant 2024, trois situations caractérisaient le droit français :

Aucune acquisition de congés en cas de maladie non professionnelle

Conséquence : des pertes importantes de droits pour les arrêts longue durée.

Acquisition limitée à un an en cas d’AT/MP

Limitation désormais supprimée.

Absence de règles de report

Les salariés pouvaient théoriquement perdre leurs congés non pris du fait de la maladie, situation jugée contraire au droit européen.

La CJUE, dans sa décision du 9 novembre 2023, avait admis qu’un report de moins de 15 mois était conforme au droit européen, poussant le législateur à intégrer cette durée de référence.

Conclusion

La réforme issue de la Loi DDADUE du 22 avril 2024 marque un tournant majeur dans la gestion des congés payés en entreprise et redéfinit en profondeur les obligations des employeurs. En intégrant pleinement les exigences du droit de l’Union européenne, le législateur consacre désormais un principe essentiel : le salarié en arrêt maladie, qu’il s’agisse d’un arrêt professionnel ou non professionnel, continue d’acquérir des congés payés, conformément à l’esprit protecteur du droit au repos annuel garanti par l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Cette évolution met fin à des décennies d’incertitudes juridiques et d’écarts entre réglementation nationale et standards européens. Les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, suivis des ajustements législatifs, ont permis d’unifier les régimes d’acquisition des congés payés et d’assurer une lecture conforme du Code du travail, en particulier des articles L.3141-3, L.3141-5, L.3141-19-1, L.3141-19-3, et L.3141-21-1.

Cette refonte impose cependant aux employeurs une vigilance renforcée. Le droit au report des congés non pris, désormais encadré par une période minimale de quinze mois, suppose la mise en place de procédures internes rigoureuses et, surtout, le respect de la nouvelle obligation d’information introduite par l’article L.3141-19-3. En pratique, cela implique une gestion proactive des retours d’arrêt maladie, une communication claire des droits du salarié et une traçabilité irréprochable. À défaut, l’employeur ne peut opposer l’extinction du droit à congés, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans sa décision du 13 novembre 2025, jugeant qu’aucune perte de jours ne peut être validée sans preuve que l’employeur a permis au salarié d’exercer réellement son droit au repos.

Les conséquences financières et opérationnelles ne sont pas neutres : accumulation potentielle de jours de congés, nécessité d’ajuster les process RH, risques accrus de contentieux prud’homaux, rétroactivité partielle des droits pour les salariés toujours en poste… Les entreprises doivent désormais revoir leurs pratiques internes, leurs logiciels de paie, leurs procédures d’absence et même certaines clauses conventionnelles ou accords collectifs devenus obsolètes.

Cette réforme s’inscrit aussi dans une dynamique de reconnaissance accrue du droit au repos comme un droit fondamental, qui ne peut être neutralisé par les aléas de la santé. Elle contribue à une meilleure protection des salariés les plus vulnérables, notamment ceux frappés par des arrêts longue durée, et renforce la cohérence du droit social français dans l’espace juridique européen.

Dans ce contexte, l’enjeu pour les employeurs ne se limite pas à une mise en conformité juridique : il s’agit d’une véritable réorganisation structurelle de la gestion des congés payés, exigeant anticipation, pédagogie et sécurisation des process internes. À travers ces nouvelles règles, le législateur rappelle que l’effectivité des droits du salarié dépend directement de la capacité de l’employeur à informer, organiser et garantir l’accès au congé annuel, pilier indispensable de la santé et de la sécurité au travail.

FAQ

1. Un salarié en arrêt maladie acquiert-il désormais des congés payés ?

Oui. Depuis la Loi DDADUE du 22 avril 2024 et la jurisprudence de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, le salarié acquiert des congés payés quelle que soit la nature de l’arrêt maladie.
– Pour un arrêt non professionnel : acquisition de 2 jours ouvrables par mois, dans la limite de 24 jours par an (article L.3141-5-1).
– Pour un arrêt professionnel (AT/MP) : acquisition de 2,5 jours ouvrables par mois, sans limitation de durée (article L.3141-5).
Ce changement met fin à l’ancien régime qui ne reconnaissait aucun droit en cas d'arrêt maladie non professionnelle.

2. Le salarié peut-il perdre ses congés payés non pris en raison d’un arrêt maladie ?

Non, sauf cas très encadrés. Le Code du travail prévoit désormais une période de report de 15 mois (article L.3141-19-1) lorsque l’arrêt de travail empêche la prise des congés.
Ce délai peut être prolongé par convention collective mais jamais réduit.
La perte des congés ne pourra être opposée au salarié que si :
– il a été informé par l’employeur du nombre de jours restant et de la date limite pour les prendre ;
– et si ce délai de 15 mois est effectivement écoulé.
Sans cette information, le report continue, comme l’a rappelé la Cour de cassation (Cass. soc., 13 novembre 2025).

3. Que doit faire l’employeur lorsque le salarié revient d’un arrêt maladie ?

L’employeur a désormais une obligation légale d’information (article L.3141-19-3) dans le mois suivant la reprise.
Il doit communiquer, par un moyen donnant date certaine :
– le nombre exact de jours de congés acquis ;
– la date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris.
Sans cette information, l’employeur ne peut opposer la perte de congés au salarié et s’expose à un risque de contentieux prud’homal.

4. Les nouvelles règles s’appliquent-elles de manière rétroactive ?

Oui, mais partiellement.
La rétroactivité concerne les périodes d’arrêt maladie depuis le 1er décembre 2009, pour ce qui concerne :
– l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie non professionnel ;
– le droit au report de 15 mois.
En revanche, la suppression de la limite d’un an pour les AT/MP n’est pas rétroactive (Cass. soc., 2 octobre 2024).
Le salarié peut agir :
– dans les 2 ans suivant le 24 avril 2024 s’il est toujours en poste ;
– dans un délai triennal s’il a quitté l’entreprise avant cette date.

5. Un salarié peut-il demander le paiement de congés payés acquis pendant un arrêt maladie ?

Deux situations doivent être distinguées :
– Si le salarié reste dans l’entreprise, il ne peut obtenir le paiement de ses congés payés : le droit européen impose un droit au repos, pas un droit au paiement anticipé. Il peut uniquement demander à les poser dans le délai légal ou conventionnel.
– Si le contrat prend fin (démission, rupture conventionnelle, licenciement, fin de CDD), le salarié perçoit une indemnité compensatrice de congés payés, incluant les congés acquis pendant l’arrêt maladie, conformément à l’article L.3141-28.
L’employeur ne peut jamais refuser ce paiement, y compris en cas de faute lourde ou grave.

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