Travail

Licenciement collectif ou individuel : les recours possibles pour le salarié

Francois Hagege
Fondateur
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Motif économique contesté : démarches pour obtenir réparation

Le licenciement économique, qu’il intervienne dans le cadre d’une suppression d’emploi, d’une réorganisation interne ou d’une restructuration plus large, représente toujours un moment particulièrement sensible dans la vie professionnelle d’un salarié. Contrairement au licenciement personnel, il repose sur des circonstances extérieures à la personne du salarié et découle d’une situation vécue ou anticipée par l’entreprise : difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité ou cessation totale d’activité. Ces motifs, strictement définis aux articles L1233-2 et L1233-3 du Code du travail, doivent être démontrés par l’employeur selon des critères précis et vérifiables.

Pourtant, dans la pratique, de nombreux salariés s’interrogent sur la légitimité de la procédure mise en œuvre : le motif économique est-il réel ? Les critères d’ordre ont-ils été correctement appliqués ? Les obligations de reclassement ont-elles été respectées ? Le plan de sauvegarde de l’emploi est-il suffisant ? Autant de questions légitimes qui révèlent l’importance de connaître les outils permettant de contester, lorsque cela s’avère nécessaire, un licenciement économique individuel ou collectif.

Les enjeux sont considérables : perte d’emploi, compensation financière, droits au chômage, possibilité de réintégration, protection contre une rupture irrégulière ou injustifiée. Pour défendre efficacement ses intérêts, le salarié doit comprendre les voies de recours, les délais pour agir, les juridictions compétentes et les conséquences juridiques d’une contestation. Car si le licenciement économique obéit à une procédure très encadrée, le non-respect d’une seule de ses étapes peut suffire à remettre en cause toute la décision.

defendstesdroits.fr propose ici une analyse complète et structurée afin d’aider chaque salarié à identifier ses droits, examiner la légalité du motif avancé et saisir la juridiction compétente en cas de litige. L’objectif est d’offrir une compréhension approfondie des mécanismes de contestation, fondée sur des textes légaux, la jurisprudence récente et les obligations de l’employeur à chaque étape du processus

Sommaire

  1. Introduction
  2. Motifs permettant de contester un licenciement économique
  3. Irrégularités de procédure ouvrant droit à contestation
  4. Particularités du PSE et voies de recours
  5. Contestation après acceptation d’un CSP
  6. Délais pour agir et juridictions compétentes
  7. Conséquences et indemnisations possibles
  8. Conclusion

Peut-on contester un licenciement économique ? Les fondements juridiques du recours

Le licenciement économique peut être contesté pour plusieurs raisons clairement identifiées par la loi et la jurisprudence.

Contester pour absence de cause réelle et sérieuse

Selon l’article L1233-2 du Code du travail, un licenciement économique n’est valable que si son motif repose sur :

  • des difficultés économiques ;
  • des mutations technologiques ;
  • une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ;
  • la cessation d’activité de l’entreprise.

Le juge examine avec précision la réalité et la gravité de ces éléments, conformément à l’article L1233-3.
Il vérifie notamment :

  • les données économiques (baisse du chiffre d’affaires, baisse des commandes, pertes d’exploitation) ;
  • la cohérence des restructurations ;
  • le lien entre le motif économique et la suppression du poste ou la transformation du contrat.

Exemple jurisprudentiel : Une baisse de commandes appréciée sur la période pertinente peut justifier un licenciement, mais une hausse – même légère – peut suffire à rendre la rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-19957).

Contester un licenciement économique pour irrégularité de procédure

Le licenciement économique, même justifié, peut être sanctionné si la procédure n’a pas été respectée.
Cette procédure varie selon :

  • le nombre de salariés concernés ;
  • l’existence ou non d’un CSE ;
  • l’effectif de l’entreprise.
Les étapes de procédure dont le non-respect peut justifier une contestation

Parmi les étapes obligatoires, les juges contrôlent notamment :

  • la consultation du CSE (lorsqu’il existe) ;
  • la recherche de reclassement conforme à l’article L1233-4 ;
  • la détermination de l’ordre des licenciements, selon les critères légaux (article L1233-5) ;
  • la convocation à entretien préalable (article L1233-11) lorsque la procédure individuelle s’applique ;
  • le respect des délais légaux pour la tenue de l’entretien et l’envoi de la lettre de licenciement (article L1233-15) ;
  • l’information obligatoire de la DREETS (articles L1233-19 et D1233-3).

Illustrations jurisprudentielles :

  • Une offre de reclassement incomplète constitue un manquement rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 23 oct. 2024, n°23-19629).
  • Une proposition de reclassement ne précisant pas les critères de départage peut être invalidée (Cass. soc., 8 janv. 2025, n°22-24724).

Contester un licenciement économique dans le cadre d’un PSE

Les spécificités du Plan de sauvegarde de l’emploi

Lorsque l’entreprise compte au moins 50 salariés et envisage de licencier au moins 10 salariés sur 30 jours, elle doit mettre en place un PSE (article L1233-61).
Ce dispositif doit prévoir :

  • des mesures de reclassement ;
  • des actions de formation ;
  • des aides à la mobilité ;
  • des indemnités supplémentaires ;
  • des dispositifs de soutien à la reprise d’emploi.

Le PSE peut être adopté :

  • par accord collectif ;
  • ou par décision unilatérale de l’employeur, soumise à validation ou homologation administrative.
Contester la validité du PSE

Le salarié ou un syndicat peut contester :

  • l’absence ou insuffisance du contenu du PSE ;
  • le défaut de consultation des représentants du personnel ;
  • la décision de validation ou d’homologation rendue par l’administration.

Si le PSE est jugé irrégulier, la décision peut être annulée, ce qui affecte la validité de l’ensemble de la procédure.

Contester un licenciement économique après acceptation d’un CSP

L’acceptation du Contrat de sécurisation professionnelle ne prive pas le salarié de son droit à contester la rupture (article L1233-67).

Il peut invoquer :

  • l’absence de motif économique ;
  • une procédure préalable irrégulière ;
  • un défaut d’information sur la priorité de réembauche (article L1233-45).

Les conséquences varient selon l’objet de la contestation :

  • dommages et intérêts ;
  • reconnaissance d’une absence de cause réelle et sérieuse ;
  • nullité éventuelle de la rupture.

Délais pour contester un licenciement économique

Délai devant le conseil de prud’hommes

Le salarié dispose de 12 mois pour contester un licenciement économique (article L1235-7), à compter de la notification de la rupture.

Délai devant le tribunal administratif

Pour les litiges relatifs à un PSE (absence/insuffisance, validation, homologation), le délai est de 2 mois, conformément à l’article L1235-7-1.

Quelle juridiction saisir pour contester ?

Licenciement économique individuel : le conseil de prud’hommes

Le conseil de prud’hommes (CPH) compétent est déterminé par l’article R1412-1 du Code du travail.
Le CPH statut en procédure accélérée sur ces litiges (article L1456-1).
Le salarié peut se présenter :

  • seul,
  • assisté d’un avocat,
  • ou représenté par une personne habilitée au sens de l’article R1453-2.

Licenciement économique collectif avec PSE : le tribunal administratif

Le tribunal administratif est compétent lorsque la contestation porte sur :

  • l’insuffisance du PSE ;
  • le défaut de consultation ;
  • la décision administrative de validation/homologation (article L1235-7-1).

Quelles conséquences après contestation ?

Licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse

Le salarié peut obtenir :

  • une réintégration (rare en matière économique) ;
  • une indemnité fixée selon le barème Macron (article L1235-3).

La Cour de cassation précise que les périodes de suspension du contrat sont prises en compte pour l’ancienneté (Cass. soc., 1er oct. 2025, n°24-15529).

Licenciement irrégulier

En cas de non-respect de la procédure, mais avec cause réelle et sérieuse, l’indemnité est plafonnée à un mois de salaire (article L1235-2).

Licenciement nul

Le salarié peut obtenir :

  • une réintégration ;
  • ou une indemnité dont le montant dépend du motif de nullité.

Conclusion

La contestation d’un licenciement économique, qu’il soit individuel ou collectif, repose sur un ensemble d’outils juridiques permettant au salarié de faire valoir ses droits face à une rupture qu’il estime injustifiée ou irrégulière. Le cadre légal applicables aux licenciements économiques impose à l’employeur des obligations substantielles : démontrer l’existence d’un motif conforme aux articles L1233-2 et L1233-3, respecter une procédure stricte définie par les articles L1233-4 et suivants, rechercher toutes les possibilités de reclassement, appliquer des critères de départ objectifs, consulter les représentants du personnel ou mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi lorsque les seuils légaux sont atteints.

Dès qu’un manquement, une incohérence ou une insuffisance est relevé, le salarié peut agir dans un délai strict, saisir le conseil de prud’hommes ou, en cas de contestation relative au PSE, le tribunal administratif, et solliciter la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, irrégulier ou nul. Les réparations associées peuvent être significatives : indemnisation fondée sur le barème légal, dommages et intérêts complémentaires, voire réintégration dans certains cas. Les salariés ayant accepté un CSP conservent également la possibilité de contester tant le motif économique que la régularité de la procédure préalable.

La montée en puissance des décisions de justice exigeant une justification précise des difficultés économiques, une réelle application de l’obligation de reclassement et une rigueur totale dans l’élaboration des PSE témoigne de l’importance accordée à la protection du salarié. Face à un licenciement économique litigieux, la connaissance de ces mécanismes et l’analyse attentive de chaque étape du processus permettent au salarié de défendre efficacement ses intérêts et d’obtenir la réparation adaptée au préjudice subi, grâce à une action structurée, juridiquement fondée et exercée dans les délais légaux.

FAQ

1. Quels motifs permettent réellement de contester un licenciement économique ?

Un licenciement économique peut être contesté dès lors que le motif invoqué par l’employeur ne répond pas aux exigences strictes des articles L1233-2 et L1233-3 du Code du travail.
Le salarié peut contester lorsque :

  • l’entreprise n’était pas en difficulté économique, ou que les baisses de commandes/chiffres d’affaires n’étaient pas suffisamment significatives ;
  • la société invoque une mutation technologique sans prouver son impact sur l’emploi ;
  • la réorganisation prétendue n’est pas réellement destinée à sauvegarder la compétitivité ;
  • la suppression de poste n’est pas cohérente avec le motif annoncé ;
  • l’employeur procède en réalité à un licenciement déguisé, couvrant un motif personnel non assumé.

Le juge prud’homal apprécie notamment :

  • la cohérence des données économiques ;
  • la date des difficultés invoquées ;
  • les rapports comptables ;
  • l’évolution récente des commandes.

Si les éléments sont insuffisants ou contradictoires, le licenciement peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

2. Quels manquements de procédure peuvent rendre un licenciement économique irrégulier ?

Indépendamment du motif économique, la procédure doit être strictement conforme aux articles L1233-4 et suivants.
Parmi les manquements souvent relevés par les juges :

  • absence ou insuffisance de reclassement : l’employeur doit examiner toutes les possibilités, y compris les postes disponibles dans le groupe, postes équivalents ou compatibles avec les compétences du salarié ;
  • application incorrecte des critères d’ordre (ancienneté, charge familiale, situation sociale, qualités professionnelles) ;
  • absence de consultation du CSE, lorsque la loi impose cette étape ;
  • erreurs ou oublis dans la convocation à l’entretien préalable ;
  • non-respect des délais légaux entre la convocation, l’entretien et la notification ;
  • absence d’information à la DREETS, lorsque plus de 10 salariés sont concernés.

Une seule irrégularité suffit à entraîner :

  • une indemnisation spécifique (article L1235-2) ;
  • ou, dans certains cas, l’absence de cause réelle et sérieuse.

3. Le salarié ayant accepté le CSP peut-il encore contester, et sur quels fondements ?

Oui. L’acceptation du Contrat de sécurisation professionnelle n’interdit en aucun cas la contestation.
Conformément à l’article L1233-67, le salarié peut agir sur :

  • le motif économique, en démontrant qu’il n’était pas réel ou suffisamment sérieux ;
  • la procédure préalable, qui doit être parfaitement respectée avant que l’employeur propose le CSP ;
  • l’absence ou l’insuffisance d’information relative à la priorité de réembauche (article L1233-45) ;
  • l’absence de recherches de reclassement préalables ;
  • la mauvaise application des critères d’ordre.

Le juge peut alors accorder :

  • des dommages et intérêts ;
  • la reconnaissance d’un licenciement injustifié ;
  • voire une nullité dans certains cas (discrimination, entrave au CSE, PSE inexistant).

4. Quels sont les délais exacts pour contester un licenciement économique, et que se passe-t-il si le salarié agit trop tard ?

Le délai pour contester un licenciement économique est de 12 mois devant le Conseil de prud’hommes (article L1235-7). Ce délai court à compter de la notification du licenciement.
Passé ce délai, le salarié perd tout recours, même si la procédure était irrégulière ou si le motif était infondé.

Concernant les contestations liées au PSE (contenu, insuffisance, absence), le délai est de 2 mois pour saisir le tribunal administratif (article L1235-7-1).
Si le délai est dépassé, la décision d’homologation ou de validation devient définitive, même si le PSE était manifestement insuffisant.

Il existe toutefois des exceptions rares, notamment en cas de fraude avérée, mais elles sont strictement encadrées et difficiles à démontrer.

5. Quelles indemnités ou réparations peut obtenir un salarié si sa contestation aboutit ?

Selon la nature du manquement constaté, plusieurs issues sont possibles :

A. Licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié peut obtenir :

  • une réintégration, mais cette solution est rare dans le contexte économique ;
  • une indemnité fixée selon le barème de l’article L1235-3 (dit barème Macron), prenant en compte :
    • l’ancienneté,
    • la rémunération moyenne,
    • les circonstances de la rupture.

Les périodes de suspension du contrat entrent dans le calcul de l’ancienneté (Cass. soc., 1er oct. 2025).

B. Procédure irrégulière

Si le licenciement reste justifié mais la procédure est viciée, l’indemnité peut aller jusqu’à un mois de salaire (article L1235-2).

C. Licenciement nul

La nullité peut être prononcée en cas de :

  • violation d’un droit fondamental ;
  • discrimination ;
  • absence ou insuffisance d’un PSE obligatoire ;
  • harcèlement ;
  • non-respect des protections liées à certains statuts.

Le salarié peut obtenir :

  • une réintégration, ou,
  • une indemnité minimale renforcée, supérieure à celle prévue pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Ces indemnisations peuvent s’ajouter à d'autres droits, notamment :

  • indemnité compensatrice de préavis (sauf CSP) ;
  • indemnité compensatrice de congés payés ;
  • rappels de salaire en cas de nullité avec réintégration

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