Peut-on m'imposer un forfait jour ?

Francois Hagege
Fondateur
2 minutes

L’imposition d’un forfait jour : conditions et mise en œuvre

Introduction

L’imposition d’un forfait jour est un dispositif complexe encadré par des règles précises, visant à équilibrer les besoins de flexibilité des employeurs avec la protection des droits des salariés.

Ce type de forfait, permettant de calculer la rémunération sur une base journalière plutôt qu'horaire, est particulièrement adapté aux cadres ayant une grande autonomie dans l'organisation de leur travail.

Toutefois, sa mise en place n’est pas automatique et requiert le respect de plusieurs conditions, tant du côté du salarié que de l'entreprise.

Ces conditions visent à garantir que le salarié bénéficie d’une charge de travail raisonnable et d’un suivi adéquat, tout en respectant les accords collectifs en vigueur.

Nous allons détailler ici les différentes exigences légales et pratiques pour l'application du forfait jour.

Sommaire

  1. Introduction
  2. Conditions tenant au salarié
  3. Conditions tenant à l'accord collectif
  4. Mise en œuvre de la clause de forfait jour
  5. FAQ

Conditions tenant au salarié

Catégorie professionnelle

L'article L3121-58 du Code du Travail est clair : seuls les cadres disposant d’une autonomie significative dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent conclure une convention individuelle de forfait jour.

Concrètement, cela implique que le salarié doit être capable de planifier et gérer ses heures de travail sans une supervision constante de la part de l'employeur.

Cette autonomie se traduit souvent par la capacité à organiser librement ses journées de travail, en fonction des objectifs et des responsabilités confiées.

La jurisprudence (Cass. Soc., 9 juillet 2003) vient renforcer cette exigence en précisant que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée en raison de la nature de leurs fonctions, de leurs responsabilités, et de l'autonomie dont ils bénéficient, peuvent également conclure un forfait jour.

En d'autres termes, il s'agit de salariés qui, par la nature même de leurs missions, ne peuvent suivre un horaire de travail fixe et doivent jouir d'une flexibilité pour accomplir leurs tâches efficacement.

Exemple : un cadre dirigeant, responsable de plusieurs projets et équipes, doit pouvoir adapter son emploi du temps en fonction des besoins de ses projets, des réunions avec ses équipes, et des exigences de ses clients.

Cette flexibilité dans l'organisation est essentielle pour répondre aux impératifs de sa fonction.

Accord du salarié

Pour qu'un forfait jour sur l’année soit mis en place, l’accord du salarié est une condition sine qua non.

Cet accord doit être formalisé par une convention individuelle de forfait, qui doit obligatoirement être établie par écrit.

Cette convention peut prendre la forme d'une clause intégrée au contrat de travail initial ou d'un document distinct signé par le salarié et l'employeur, conformément à l’article L3121-63 du Code du Travail.

L'objectif de cette formalisation écrite est de garantir la transparence et la clarté des conditions de travail.

Elle permet également de définir clairement les droits et obligations des deux parties, notamment en ce qui concerne le nombre de jours travaillés, les modalités de suivi de la charge de travail, et les dispositions relatives au repos et à la déconnexion.

Exemple : une entreprise souhaitant mettre en place un forfait jour pour un nouveau cadre peut inclure une clause spécifique dans le contrat de travail qui détaille les modalités de ce forfait, ou proposer au salarié de signer une convention distincte qui précise les mêmes éléments.

Cette démarche assure que le salarié est pleinement informé des conditions de son forfait jour et qu'il y consent en toute connaissance de cause.

Conditions tenant à l'accord collectif

Accord collectif d’entreprise

La mise en place d'un forfait en jours sur l’année ne peut être effectuée qu’en présence d’un accord collectif.

Selon l’article L3121-63 du Code du Travail, cette disposition suppose la conclusion d’une convention individuelle de forfait jour et l’existence d’un accord collectif d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche qui prévoit ce dispositif.

Cela signifie que l'employeur doit négocier et obtenir l'accord des partenaires sociaux au niveau de l’entreprise ou de l’établissement.

À défaut d’accord au sein de l’entreprise, c'est l'accord de branche qui doit contenir les dispositions permettant la mise en œuvre du forfait jour.

Cette condition vise à garantir que le dispositif du forfait jour est encadré par des règles collectives négociées, assurant ainsi une protection équilibrée des intérêts des salariés et des employeurs.

Exemple : Une entreprise souhaite instaurer le forfait jour pour certains de ses cadres.

Elle devra donc, en premier lieu, vérifier s'il existe un accord collectif d’entreprise ou d’établissement en vigueur qui le permet.

Si ce n'est pas le cas, elle devra engager des négociations avec les représentants du personnel pour élaborer un tel accord, ou se référer à l’accord de branche applicable.

Clauses obligatoires

L’accord collectif instaurant le forfait jour doit répondre à des exigences précises. Il doit notamment fixer le nombre de jours compris dans le forfait, avec une limite maximale de 218 jours par an.

Cette limitation est destinée à garantir que les salariés ne dépassent pas un nombre de jours de travail raisonnable, préservant ainsi leur équilibre entre vie professionnelle et personnelle.

En outre, l’accord collectif doit inclure des clauses obligatoires listées aux paragraphes I et II de l’article L3121-64 du Code du Travail.

Ces clauses obligatoires comprennent :

  • Les modalités de suivi et d’évaluation de la charge de travail, afin de s’assurer que le salarié n’est pas surchargé.
  • Les dispositions relatives à la répartition du travail sur l’année.
  • Les modalités d’exercice du droit à la déconnexion.
  • Les conditions de révision du forfait jour, permettant des ajustements si nécessaire.

Exemple : Une entreprise établit un accord collectif pour le forfait jour.

Cet accord précise que le nombre maximum de jours travaillés par an est de 210.

Il détaille également les modalités de suivi de la charge de travail, avec des évaluations trimestrielles pour s'assurer que les salariés ne sont pas surmenés.

Enfin, il inclut une clause sur le droit à la déconnexion, stipulant que les salariés ne sont pas tenus de répondre aux communications professionnelles en dehors des heures de travail normales.

L'inclusion de ces clauses garantit que le dispositif du forfait jour respecte les droits des salariés et leur bien-être, tout en permettant une organisation du travail flexible et adaptée aux besoins de l’entreprise.

Mise en œuvre de la clause de forfait jour

Suivi et évaluation de la charge de travail

L’article L3121-65 du Code du Travail impose que, même en l'absence de dispositions spécifiques dans l’accord collectif, l’employeur doit mettre en place des mesures de suivi et d’évaluation de la charge de travail du salarié sous forfait jour.

Ces mesures sont essentielles pour garantir que la flexibilité offerte par le forfait jour ne se traduise pas par une surcharge de travail pour le salarié.

L’employeur doit :

  1. Établir un document de contrôle : Ce document doit mentionner le nombre et la date des journées travaillées.
    Il permet de suivre précisément les jours effectivement travaillés par le salarié, assurant ainsi une transparence et une traçabilité des heures de travail.
  2. S’assurer du respect des temps de repos : L’employeur doit veiller à ce que la charge de travail du salarié soit compatible avec les temps de repos hebdomadaires et quotidiens prévus par la loi.
    Cela inclut le respect du repos quotidien minimal de 11 heures consécutives et du repos hebdomadaire minimal de 24 heures consécutives, auxquels s’ajoutent les 11 heures de repos quotidien.
  3. Organiser un entretien annuel : Cet entretien permet de discuter de la charge de travail du salarié, de vérifier qu’elle est raisonnable et supportable, et de s’assurer que le salarié n’est pas en situation de surmenage.
    C’est également l’occasion de revoir les objectifs, d’ajuster les conditions de travail si nécessaire, et de répondre à d’éventuelles préoccupations du salarié.

Exemple : Une entreprise met en place un système de suivi électronique où chaque salarié sous forfait jour doit enregistrer ses journées travaillées.

En fin d’année, un rapport est généré pour chaque salarié, et un entretien est organisé pour discuter de la charge de travail et ajuster si nécessaire.

Droit à la déconnexion

L’article L3121-45 du Code du Travail précise que si l’accord collectif ne prévoit pas de dispositions spécifiques concernant le droit à la déconnexion, l’employeur doit définir lui-même les modalités d’exercice de ce droit et les communiquer au salarié par tout moyen.

Le droit à la déconnexion vise à garantir que les salariés puissent se déconnecter des outils numériques professionnels en dehors des heures de travail, afin de respecter leur vie privée et leur santé mentale.

L’employeur doit donc prendre des mesures concrètes pour que ce droit soit effectif.

  1. Définir les modalités d’exercice : L’employeur doit établir des règles claires sur les heures pendant lesquelles les salariés ne sont pas tenus de répondre aux courriels, appels téléphoniques ou autres sollicitations professionnelles.
  2. Communiquer ces modalités aux salariés : Les modalités doivent être communiquées de manière claire et accessible à tous les salariés concernés. Cela peut se faire par le biais de notes de service, de réunions d’information, ou par l’intranet de l’entreprise.

Exemple : Une entreprise décide que les salariés sous forfait jour ne sont pas tenus de répondre aux courriels professionnels après 19h et avant 8h le matin, ainsi que durant les weekends.

Cette politique est communiquée à tous les salariés par courriel et affichée sur l’intranet de l’entreprise.

En mettant en œuvre ces mesures, l’employeur s’assure que le dispositif de forfait jour respecte les droits des salariés et contribue à un environnement de travail équilibré et sain.

FAQ

1. Qu'est-ce qu'un forfait jour et qui peut en bénéficier ?

Un forfait jour est un dispositif permettant de rémunérer les salariés sur la base d'un nombre de jours travaillés annuellement plutôt que d'heures. Seuls les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, ainsi que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée, peuvent bénéficier de ce système (article L3121-58 du Code du Travail).

2. Quels sont les prérequis pour qu'un salarié puisse conclure un forfait jour ?

Pour qu’un salarié puisse conclure un forfait jour, il est nécessaire qu'il ait une autonomie significative dans l'organisation de son emploi du temps. De plus, la conclusion d'une convention individuelle de forfait jour requiert l’accord écrit du salarié, formalisé soit dans une clause du contrat de travail soit dans un document distinct (article L3121-63 du Code du Travail).

3. Quels sont les éléments obligatoires d'un accord collectif instaurant un forfait jour ?

Un accord collectif instaurant un forfait jour doit inclure plusieurs éléments obligatoires :

  • Le nombre de jours compris dans le forfait, limité à 218 jours par an.
  • Les modalités de suivi et d’évaluation de la charge de travail.
  • Les conditions relatives au droit à la déconnexion et les modalités de révision du forfait (article L3121-64 du Code du Travail).

4. Comment l’employeur doit-il suivre et évaluer la charge de travail des salariés en forfait jour ?

Même en l'absence de dispositions spécifiques dans l’accord collectif, l’employeur doit :

  • Établir un document de contrôle mentionnant le nombre et la date des journées travaillées.
  • S’assurer que la charge de travail permet de respecter les temps de repos hebdomadaires et quotidiens.
  • Organiser un entretien annuel avec le salarié pour discuter de sa charge de travail (article L3121-65 du Code du Travail).

5. Quelles sont les obligations de l’employeur concernant le droit à la déconnexion pour les salariés en forfait jour ?

Si l'accord collectif ne prévoit pas de dispositions spécifiques sur le droit à la déconnexion, l'employeur doit définir et communiquer les modalités d’exercice de ce droit aux salariés. Cela inclut des règles claires sur les heures pendant lesquelles les salariés ne sont pas tenus de répondre aux sollicitations professionnelles (article L3121-45 du Code du Travail).

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