Que faire si mon employeur me fait travailler pendant mon arrêt maladie ?
Mon employeur me fait travailler pendant mon arrêt maladie : quels recours ?
Lorsqu’un salarié est placé en arrêt de travail, le contrat de travail est suspendu. Cela signifie que l’employeur n’a plus le droit de lui demander de travailler ni de lui imposer des obligations professionnelles.
Pourtant, dans certaines situations, des employeurs prennent la liberté de solliciter leurs salariés en arrêt maladie pour obtenir des renseignements ou les inciter à reprendre une activité.
Ce comportement, bien qu'il puisse sembler anodin, est en réalité illégal et peut avoir des conséquences importantes pour l’employeur.
L’obligation de sécurité de l’employeur
L’employeur a une obligation légale de veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés.
Cette obligation est prévue par l’article L.4121-1 du Code du travail, qui impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses collaborateurs. Cela inclut notamment de respecter les périodes de repos prescrites par un médecin, comme les arrêts maladie.
Ainsi, lorsqu’un employeur sollicite un salarié pendant son arrêt maladie, que ce soit par téléphone ou par mail, pour obtenir des informations ou demander l’accomplissement de tâches professionnelles, il viole cette obligation de sécurité.
La Cour de cassation rappelle de manière constante que le droit à la santé et au repos des salariés est une exigence constitutionnelle. Cette protection est renforcée par le fait qu’un arrêt de travail est prescrit pour permettre au salarié de recouvrer sa santé.
Le salarié face aux sollicitations pendant l’arrêt maladie
Si un employeur demande à un salarié en arrêt maladie de travailler, ce dernier peut se retrouver dans une situation délicate. Il peut se sentir coupable de laisser l’employeur dans une situation d’incertitude, ou craindre de détériorer la relation professionnelle en refusant d’accéder à la demande.
Toutefois, il est important de rappeler que le salarié est en droit de refuser toute sollicitation pendant son arrêt maladie, sans craindre de représailles.
De plus, le salarié est tenu de respecter les obligations qui découlent de son arrêt de travail. L’article L.323-6 du Code de la sécurité sociale impose au salarié en arrêt maladie de s’abstenir de toute activité professionnelle non autorisée.
Cela signifie qu’il ne doit pas continuer à travailler, même à distance, sous peine de se voir contraint de rembourser les indemnités journalières perçues pendant cette période.
Que risque un employeur qui fait travailler un salarié en arrêt maladie ?
Lorsque l’employeur outrepasse ses droits et fait travailler un salarié pendant un arrêt maladie, il s’expose à plusieurs risques :
- Violation de l’obligation de sécurité : En sollicitant un salarié en arrêt maladie, l’employeur manque à son obligation de protéger la santé et la sécurité du salarié. Cette violation peut entraîner des sanctions financières, notamment sous forme de dommages et intérêts.
- Condamnation pour manquement à l’obligation de sécurité : Des cas récents montrent que les employeurs peuvent être condamnés pour avoir contraint un salarié à travailler pendant son arrêt maladie. Par exemple, dans une décision de la Cour de cassation du 6 juillet 2022 (n° 21-11751), un employeur a été condamné pour avoir fait travailler une salariée depuis son domicile pendant son arrêt maladie. La reconnaissance du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité a permis à la salariée d’obtenir des dommages et intérêts.
- Réparation automatique du préjudice : Même si l’employeur fait travailler un salarié pendant une période limitée ou pour des tâches ponctuelles, cela constitue une faute. En effet, le seul constat que l’employeur a sollicité un salarié pendant son arrêt maladie suffit à ouvrir droit à une réparation du préjudice subi par le salarié. La Cour de cassation a jugé en septembre 2024 (Cass. soc. 4 sept. 2024 n° 23-15944) qu’un employeur qui avait fait travailler une salariée pendant son arrêt maladie devait être condamné, indépendamment du volume de travail ou de la durée.
- Remboursement des indemnités journalières : Si le salarié accepte de travailler pendant son arrêt maladie, il s’expose également à des sanctions. L’article L.323-6 du Code de la sécurité sociale stipule que le salarié doit restituer les indemnités journalières perçues s’il exerce une activité professionnelle non autorisée. De plus, des sanctions financières peuvent être prononcées à son encontre si cette activité a donné lieu à une rémunération.
Les recours du salarié contre son employeur
Lorsqu'un employeur sollicite un salarié pendant son arrêt maladie, ce dernier dispose de plusieurs moyens pour défendre ses droits et obtenir réparation. En effet, l’arrêt de travail a pour objectif de permettre au salarié de recouvrer sa santé, et toute interférence de l’employeur pendant cette période constitue une atteinte au respect du repos médical et peut justifier des actions en justice.
1. Saisir le Conseil de prud’hommes
Le recours le plus direct pour un salarié confronté à une sollicitation abusive pendant son arrêt maladie est de saisir le Conseil de prud’hommes. Cette juridiction est compétente pour juger les litiges entre employeurs et salariés, notamment ceux liés au non-respect des obligations contractuelles.
Dans le cadre de cette procédure, le salarié peut demander des dommages et intérêts pour le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, une obligation prévue par l’article L.4121-1 du Code du travail. L’employeur doit en effet garantir la sécurité et la santé de ses salariés, et la sollicitation d’un salarié en arrêt maladie peut être considérée comme une violation de cette obligation.
Le salarié pourra alors faire valoir que l'employeur a porté atteinte à sa santé en le sollicitant pendant une période de repos médical. La jurisprudence a déjà sanctionné de tels comportements. Par exemple, dans une décision de la Cour de cassation (Cass. Soc. 6 juillet 2022, n° 21-11751), l’employeur a été condamné pour avoir contraint une salariée à travailler depuis son domicile pendant son arrêt maladie, ce qui a été jugé comme un manquement grave à l’obligation de sécurité. La reconnaissance de cette violation a conduit à l'octroi de dommages et intérêts à la salariée.
Il est important de souligner que même si la sollicitation de l'employeur est présentée comme mineure ou ponctuelle, elle constitue une faute si elle est faite pendant la période d'arrêt. Le Conseil de prud’hommes prendra en compte la gravité du manquement et pourra accorder une réparation en fonction des circonstances.
2. Constituer des preuves
Dans le cadre d'une procédure judiciaire, le salarié doit prouver que son employeur a manqué à ses obligations. La constitution de preuves est donc essentielle pour soutenir une demande de dommages et intérêts.
Il est recommandé au salarié de conserver toutes les communications de l'employeur, telles que :
- E-mails sollicitant des informations ou des actions professionnelles,
- Messages sur un téléphone professionnel ou personnel,
- Appels téléphoniques prouvant que l'employeur a tenté de le joindre pour des raisons professionnelles.
Ces éléments pourront être utilisés devant le Conseil de prud’hommes pour démontrer que l’employeur a effectivement sollicité le salarié pendant une période d’arrêt, en violation de son obligation de repos. Il est également possible d'utiliser des captures d'écran de conversations, des enregistrements vocaux (si autorisés par la loi) ou toute autre preuve matérielle montrant les tentatives de l'employeur de faire travailler le salarié durant son arrêt maladie.
3. Informer la Caisse d’assurance maladie
En plus de la saisine du Conseil de prud’hommes, un salarié sollicité par son employeur pendant un arrêt maladie peut également signaler la situation à la Caisse d’assurance maladie. Cette démarche est importante car elle permet à l’organisme de contrôler le respect des conditions de l’arrêt de travail, notamment l’interdiction pour le salarié d’exercer une activité non autorisée.
Si l’employeur fait pression sur le salarié pour qu’il travaille malgré l’arrêt prescrit par un médecin, cela constitue non seulement une violation des droits du salarié, mais peut aussi entraîner des sanctions pour le salarié lui-même s'il cède à cette pression et reprend une activité professionnelle non déclarée. L’article L.323-6 du Code de la sécurité sociale précise que le salarié doit s’abstenir de toute activité professionnelle non autorisée pendant la période d’arrêt de travail. En cas de violation de cette règle, la Caisse peut demander au salarié de rembourser les indemnités journalières perçues pendant cette période.
En informant la Caisse d’assurance maladie de la pression exercée par l’employeur, le salarié protège ses droits et met en lumière une situation d'abus. La Caisse pourra décider de diligenter un contrôle afin de vérifier si le salarié respecte les conditions de son arrêt et si l’employeur ne le pousse pas à enfreindre les règles.
4. Déposer une plainte pour harcèlement moral
Dans certaines situations, les sollicitations répétées de l’employeur pendant un arrêt maladie peuvent s’apparenter à du harcèlement moral. L’article L.1152-1 du Code du travail interdit tout agissement répété ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail pouvant porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale du salarié.
Si l’employeur sollicite régulièrement le salarié pendant son arrêt de travail, lui fait des reproches ou tente de le culpabiliser pour son absence, cela peut constituer un harcèlement moral. Le salarié peut alors porter plainte et demander réparation. Le harcèlement moral est une faute grave de l'employeur et peut entraîner des sanctions pénales, ainsi qu’une indemnisation pour le préjudice subi.
5. Obtenir une résiliation judiciaire du contrat de travail
Dans les cas les plus graves, lorsque les sollicitations de l’employeur sont constantes et rendent impossible la poursuite du contrat de travail dans des conditions normales, le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Cette demande peut être formulée devant le Conseil de prud’hommes, et si elle est acceptée, elle équivaut à un licenciement abusif, permettant au salarié d’obtenir des indemnités comme en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette procédure est particulièrement utile dans les situations où la relation de confiance entre l’employeur et le salarié est irrémédiablement rompue. La résiliation judiciaire met fin au contrat de travail tout en reconnaissant la faute de l’employeur.
Comment éviter les abus de l’employeur pendant un arrêt maladie ?
Pour éviter de se retrouver dans une situation délicate, le salarié en arrêt maladie doit veiller à respecter strictement les conditions de son arrêt. Voici quelques recommandations pour éviter les abus de l’employeur :
- Éteindre son téléphone professionnel : Si le salarié dispose d’un téléphone professionnel, il est conseillé de l’éteindre pendant la durée de l’arrêt maladie pour ne pas être sollicité par l’employeur.
- Ne pas consulter ses e-mails professionnels : De la même manière, il est recommandé de ne pas consulter ses e-mails professionnels pendant l’arrêt maladie, afin de ne pas se laisser entraîner dans une situation de travail non autorisée.
- Refuser toute sollicitation : Si l’employeur contacte le salarié pour lui demander de travailler, ce dernier doit refuser poliment et rappeler qu’il est en arrêt de travail et ne peut accomplir aucune tâche professionnelle.
Conclusion
Lorsqu’un salarié est en arrêt maladie, l’employeur doit strictement respecter cette période de repos médical. Toute sollicitation visant à faire travailler un salarié pendant son arrêt maladie constitue une violation de l’obligation de sécurité de l’employeur et peut entraîner des sanctions lourdes. Le salarié, de son côté, doit également veiller à respecter les conditions de son arrêt et à ne pas exercer d’activité professionnelle non autorisée. Si l’employeur outrepasse ses droits, le salarié dispose de plusieurs recours pour faire valoir ses droits et obtenir une réparation du préjudice subi.
FAQ :
1. Mon employeur peut-il me licencier si je refuse de travailler pendant mon arrêt maladie ?
Non, votre employeur ne peut pas vous licencier pour avoir refusé de travailler pendant votre arrêt maladie. Le contrat de travail est suspendu pendant cette période, et vous êtes protégé par le Code du travail qui impose à l’employeur de respecter votre repos médical. Si l’employeur tente de vous licencier pour ce motif, cela pourrait être considéré comme un licenciement abusif, et vous pourriez obtenir des indemnités en saisissant le Conseil de prud’hommes.
2. Puis-je être rémunéré si je travaille pendant mon arrêt maladie à la demande de mon employeur ?
Si vous travaillez pendant votre arrêt maladie à la demande de votre employeur, vous enfreignez les règles de la Sécurité sociale. En effet, l’article L.323-6 du Code de la sécurité sociale stipule que le salarié ne doit exercer aucune activité rémunérée non autorisée pendant un arrêt de travail. Si vous recevez une rémunération, vous risquez de devoir rembourser les indemnités journalières perçues, et vous pourriez faire face à des sanctions financières.
3. Quels sont les risques pour l’employeur en cas de récidive de sollicitations pendant un arrêt maladie ?
En cas de sollicitations répétées, l’employeur peut être exposé à des sanctions plus sévères, notamment pour harcèlement moral. Selon l’article L.1152-1 du Code du travail, le harcèlement moral est défini par des agissements répétés qui dégradent les conditions de travail du salarié. Si l’employeur persiste dans ses démarches, le salarié peut demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi et même engager une action en résiliation judiciaire du contrat de travail.
4. Un salarié peut-il refuser de participer à une réunion à distance pendant son arrêt maladie ?
Oui, un salarié en arrêt maladie a le droit de refuser toute participation active à une réunion professionnelle, même à distance. Le contrat de travail étant suspendu, le salarié est légalement en droit de se consacrer à sa récupération sans se voir imposer des tâches professionnelles. Participer à une réunion pourrait être interprété comme une reprise d’activité, ce qui va à l’encontre des règles établies par la Sécurité sociale.
5. Que faire si mon employeur me sollicite de manière informelle pendant mon arrêt maladie (par exemple via WhatsApp ou SMS) ?
Même si les sollicitations se font de manière informelle, via des canaux comme WhatsApp ou SMS, elles restent interdites pendant un arrêt maladie. Il est recommandé de garder une trace de ces échanges pour constituer des preuves en cas de procédure judiciaire. Vous pouvez signaler ces agissements au Conseil de prud’hommes ou à la Caisse d’assurance maladie. L’employeur est tenu de respecter l’arrêt de travail quel que soit le moyen de communication utilisé.
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